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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/333

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RÉFORMISTES D’ÉCOSSE.

encore, retenu qu’il était par quelques scrupules de jeune homme ; le fait suivant le décida à agir.

La France, comme on sait, était alors en guerre avec l’Autriche et la Prusse. Son territoire avait été envahi ; elle avait repoussé une première fois les armées ennemies ; mais, quelles que fussent la bravoure de ses soldats et l’énergie de ses citoyens, le péril était grand encore. Le ministère anglais sympathisait ouvertement avec les souverains alliés, son attitude était menaçante, et, d’un jour à l’autre, les Français s’attendaient à avoir un ennemi de plus sur les bras, et un ennemi plus redoutable à lui seul que l’Autriche et la Prusse réunies. Mais tandis que le cabinet britannique négociait avec les ennemis de la France, n’attendant qu’un moment favorable pour jeter le masque, le peuple anglais, sourd aux insinuations de ses gouvernans, fraternisait avec le peuple français.

« En contemplant la condition politique des nations, disaient les Bretons unis du congrès dans leur adresse aux républicains français, nous avons peine à concevoir un système de gouvernement plus diabolique que celui qui a été établi dans notre île et dans le reste du monde. Pour satisfaire l’ambition et assouvir l’avarice des grands, les liens de frères qui unissaient le genre humain ont été brisés. On dirait que tant de peuples divers ont été jetés sur la terre par des dieux rivaux. L’homme n’est plus regardé comme l’ouvrage d’un même créateur. Les institutions politiques sous lesquelles il vit ont été fondées contrairement à son bonheur, quelle que soit la religion qu’il professe. En dépit de cette bienveillance universelle que la morale de chaque religion connue rend obligatoire, il a été perfidement amené à considérer son espèce comme son ennemie naturelle, et à décider du vice et de la vertu selon les limites géographiques qui séparent chaque peuple. »

Ce langage différait de celui des révolutionnaires français. Il était philosophique et en même temps religieux. Soit que la tournure mystique de cette adresse fît soupçonner cette fois les délégués d’Écosse, mais surtout Thomas Muir, de l’avoir rédigée, Pitt, qui se voyait débordé, et qui craignait que la sympathie des deux nations ne se formulât autrement que par des paroles, Pitt se décida à attaquer, et ce fut l’Écosse qu’il choisit pour champ de bataille. Pitt eût craint d’engager l’affaire avec les réformistes de Londres ; la constitution d’ailleurs lui faisait obstacle. En agissant loin du centre, il se trouvait plus à l’aise. L’Écosse, si long-temps opprimée, et qui, depuis les terribles exécutions du duc de Cumberland en 1745 et la des-