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jeune homme, avec une sollicitude toute paternelle, de ne pas songer à venir les retrouver de long-temps.

Muir était fatigué d’un exil de plusieurs mois ; la perspective de passer de longues années en Amérique, loin de sa famille et de ses amis, lui était odieuse. De plus, il croyait avoir des devoirs à remplir, des devoirs de chef de parti ; il ne voulait pas surtout que son courage fût mis plus long-temps en doute, et qu’on pût lui reprocher d’avoir fui devant le danger. Muir se rendit donc en Écosse par le Port-Patrick. Je suis venu volontairement, dit-il plus tard, pour faire face à mes accusateurs et les confondre. Le choix qu’il fit de la route la plus fréquentée semble prouver que telle était, en effet, son intention. En débarquant à Port-Patrick, il fut reconnu par un employé de la douane qui l’avait vu plaider autrefois au barreau d’Édimbourg, et qui le dénonça. Comme Muir avait été mis hors la loi, il fut immédiatement arrêté. Williamson, le fameux chasseur et le fameux preneur d’amis du peuple d’alors, Williamson fut chargé de conduire le prisonnier au jail d’Édimbourg. On avait saisi ses papiers en même temps que sa personne. Ces papiers étaient sans importance ; on les dénonça cependant comme incendiaires. On incrimina surtout un pamphlet de Milton sur la liberté illimitée de la presse, quelques lettres de France scellées avec la tête de la Liberté, et un certificat d’admission à la société des Irlandais unis, signé par Hamilton Rowan, le secrétaire de l’association. Ces papiers, jusqu’aux plus frivoles, servirent de base à l’accusation portée contre Muir.

La nouvelle de l’arrestation de Muir produisit en Écosse une sensation extraordinaire. Les tories avaient peine à dissimuler leur joie ; ils tenaient enfin le général ennemi. Mais comme l’attitude des amis du peuple devenait de plus en plus menaçante, le ministère, pour ne pas leur laisser le temps de se reconnaître, donna ordre que le procès du chef des réformistes eut lieu sur-le-champ. Le 30 août 1793, Thomas Muir fut donc amené devant le tribunal criminel d’Édimbourg. Les illusions de parti sont grandes. Le croirait-on ? les réformistes d’Écosse étaient sans défiance, ils croyaient à l’acquittement de leur chef, qui, disaient-ils, était venu généreusement s’asseoir sur les bancs de la justice ; ils s’attendaient à retrouver bientôt Thomas Muir à leur tête et à reprendre l’offensive contre le pouvoir. La composition seule du tribunal eût dû cependant leur dessiller les yeux, leur ôter tout espoir et leur faire prévoir l’issue fatale du procès.

Dans le courant de l’année précédente, quand les sociétés des amis