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RÉFORMISTES D’ÉCOSSE.

du peuple avaient commencé à se réunir, les tories avaient organisé, de leur côté, des sociétés dirigées par des principes opposés, des sociétés analogues à celles des orangistes d’Irlande et des conservateurs actuels en Angleterre. L’une de ces sociétés, composée de tous les chefs de ligne du parti ministériel, s’était formée à Édimbourg sous le nom d’hommes de la fortune et de la vie (life and fortune men) ; on l’appelait aussi la société de Goldsmiths’-Hall, du nom de l’endroit où elle tenait ses séances. Cette société, dirigée par Braxfield, le lord de justice, par les lords Eskgrove, Henderland, Swinton, Dunsinnan, etc., renfermait tout ce que le parti tory comptait de gens décidés et violens.

La société de Goldsmiths’-Hall s’annonçait, dans ses manifestes, comme instituée pour la défense de la constitution de la Grande-Bretagne, cette constitution objet de convoitise pour le reste des nations. Par un calcul assez ordinaire aux partis, les chefs des amis du peuple, qui, eux aussi, se prétendaient les défenseurs de la constitution, et qui ne voulaient pas qu’une autre société s’arrogeât exclusivement ce titre, résolurent d’un commun accord de se faire inscrire au nombre des membres du Goldsmiths’-Hall. Les tories furent bien surpris un jour de trouver, sur la liste de leurs adhérens, les noms de Thomas Muir, William Skirving, Moffat, Bell, Johnstone, tous chefs des amis du peuple. Comme on le pense, ces noms furent ignominieusement effacés du registre des associés. Jusqu’alors tout était bien, chaque parti agissait dans son droit ; mais quand, l’année suivante, les magistrats tories choisirent, pour composer le jury qui devait prononcer sur l’innocence ou la culpabilité de Muir, Skirving et autres chefs des amis du peuple, un jury composé des membres les plus ardens de la société de Goldsmiths’-Hall, il y eut évidemment manque d’équité, il y eut attentat au droit commun, ces hommes ayant déjà prononcé leur verdict par anticipation lorsqu’ils avaient exclu les chefs réformistes de leur société. Plus tard, la conduite des juges écossais donna lieu à de violens débats dans le parlement anglais et fut sévèrement qualifiée par ses membres les plus considérables ; mais alors il n’était plus temps, les victimes succombaient dans un lointain exil[1] !

Muir partageait les espérances de ses amis ; il avait la confiance un peu naïve d’un chef de parti jeune et honnête. Quelque chaleureuse qu’eût été son opposition au pouvoir, quelque actifs et quelque dan-

  1. Memoirs and Trials, etc., pag. 7.