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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/338

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REVUE DES DEUX MONDES.

gereux qu’eussent été les moyens mis en œuvre pour renverser l’administration des tories et faire prévaloir la réforme, il ne croyait pas être sorti de la limite des droits que la constitution accordait à tout citoyen anglais. Il se croyait personnellement irréprochable, et aux yeux de tout homme impartial il l’était peut-être. Fort de son droit et persuadé de l’excellence de sa cause, il refusa le ministère d’hommes éminens qui lui offraient l’appui de leur talent, MM. Erskine et John Clerk. Il craignait, avant tout, de ne pas être défendu comme il voulait l’être, ou plutôt d’être défendu au préjudice de la cause dont il se regardait comme l’apôtre. Au fond peu lui importait d’être déclaré innocent ou coupable, pourvu qu’il pût se servir du banc de l’accusé comme d’une tribune, ou plutôt comme d’une chaire où il pût prêcher la cause de la réforme.

Les débats de son procès furent misérables, et les charges alléguées contre lui plus misérables encore. Son plus grand crime était d’avoir prêté un exemplaire des Droits de l’homme de Payne et quelques copies du dialogue de Volney entre le gouvernant et le gouverné, dialogue extrait de l’ouvrage des Ruines. On l’accusait aussi d’avoir donné lecture à la convention d’Écosse de l’adresse des Irlandais unis, dont il a été question plus haut. Il est à croire que toutes ces charges n’étaient que des prétextes pour perdre un homme que le pouvoir regardait comme dangereux ; cependant elles furent sérieusement discutées par Braxfield, lord de justice.

L’attitude de Muir devant le tribunal fut digne et calme. Il commença par réclamer des juges impartiaux, des juges qui n’eussent fait partie ni de l’association de Goldsmiths’-Hall, ni de la société des amis du peuple. Dans les hommes qui siégeaient là et qui l’avaient chassé de leur société, il ne voyait pas des juges, mais des ennemis. Blair, le solliciteur-général, et Braxfield, répliquèrent comme répliquent les gens de parti en pareille occasion : « Le pouvoir devait-il se priver de ses meilleurs appuis ? Nullement. » Et on passa outre.

Parmi les témoins qu’on avait pu trouver pour déposer contre Muir figuraient la servante de sa famille et le révérend Lapslie. Lapslie était ce personnage qui ne manque jamais aux procès politiques ; il remplissait le rôle du traître. Lapslie, l’ami d’enfance de Muir, avait été accueilli par sa famille comme un fils. Réformiste ardent, il avait assisté aux premières séances de la convention. Quand la persécution commença, et que Muir fut poursuivi par le pouvoir, Lapslie l’abandonna, et poussa le fanatisme de l’apostasie jusqu’à faire quarante milles, sans avoir été assigné, pour venir déposer contre son ancien