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nous nous réjouissons de ce que, dans tous les temps et dans toutes les circonstances, nous avons du moins la liberté de nous approcher de ton trône, assurés que nous sommes qu’aucune offrande ne te paraît plus acceptable que celle de l’opprimé. Dans ce moment de combat et de persécution, sois notre défenseur, notre conseil, notre guide. Marche devant nous en colonne de feu comme tu marchais autrefois devant nos pères, pour nous éclairer et nous conduire, et ne sois pour nos ennemis qu’un ouragan plein de ténèbres et de confusion. Dieu puissant, n’es-tu pas le grand patron de la liberté ? Ton service, n’est-ce pas le service de la plus parfaite indépendance ? Nous t’en supplions, seconde chaque effort que nous faisons pour une noble cause, pour la cause de la vérité ! toi, père miséricordieux de l’humanité, permets-nous, pour l’amour de toi, de souffrir la persécution avec force et constance, et de croire que toutes les poursuites et les tribulations que nous pourrons endurer dans cette vie seront profitables au bien-être de ceux qui t’aiment. Laisse-nous espérer que plus grand sera le mal et plus longue la persécution, plus grand et plus durable sera le bien que ta sainte et adorable providence en fera sortir. Tout cela, nous te le demandons, non pour nos propres mérites, mais pour les mérites de celui qui doit venir un jour juger le monde avec justice et miséricorde[1]. »

L’effet électrique de cette prière prononcée d’une voix haute et inspirée, dans un moment de violente excitation morale, a laissé d’ineffaçables souvenirs dans l’ame de ceux qui l’entendirent. Ils parlent encore de la sensation qu’ils en éprouvèrent comme d’une de ces émotions surhumaines, de ces extases surnaturelles, que peu d’hommes éprouvent dans leur vie. Quelques fâcheuses que fussent les circonstances, quelque active que fût la persécution, les patriotes, en se séparant, croyaient au prochain triomphe de leur cause. Comme ils rentraient dans la ville par une sombre nuit de décembre, s’encourageant l’un l’autre à persister, et à espérer des temps meilleurs, le sheriff et ses gens, portant des torches qui éclairaient de lueurs vives et sauvages les rocs voisins de Salisbury et les cimes d’Arthur’s-Seat, vinrent à passer auprès d’eux : — « Arrière ! s’écria Gerald d’une voix tonnante ; arrière ! les torches funéraires de la liberté ! »

Gerald n’était arrivé à Édimbourg qu’après l’emprisonnement de Muir. Gerald était le plus éloquent des réformistes écossais d’alors.

  1. Memoirs and Trials, etc., p. 23.