Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/437

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
433
HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

victoire, celle d’Argaum, pour l’amener à se soumettre. La brillante campagne de Wellesley dans le sud, et les succès du général Lake dans le nord furent suivis d’un traité de paix qui valut à la compagnie un grand accroissement de territoire.

C’est en 1805, après la soumission de Scindiah, que Wellesley quitta le service de l’Inde. Son frère avait résigné quelque temps avant les fonctions de vice-roi, et Wellesley se souciait peu des soins obscurs d’un commandement militaire en temps de paix, quelque étendu qu’il pût être. D’ailleurs, il avait à se plaindre de la compagnie. Les directeurs de ce corps immense, pacifiques marchands, ne savaient pas apprécier les guerres brillantes et les dispendieuses conquêtes que lord Wellesley et son frère avaient faites pour eux, et les traitaient un peu comme des héros qui leur avaient imposé leurs victoires. Le jeune Wellesley revint en Angleterre avec le titre de sir Arthur et le grade de général ; mais il ne fut pas long-temps à éprouver ce qu’il avait prédit lui-même dans une de ses lettres, écrite pendant qu’il servait en Asie : c’est que le gouvernement anglais n’estime pas le service militaire dans l’Inde à la même valeur que tout autre. En effet, soit à cause de l’éloignement du théâtre, soit par suite du peu d’intérêt qu’on attache aux affaires de l’Inde, une grande réputation acquise au service de la compagnie est généralement assez mal appréciée des Anglais, et le guerrier qui a détrôné de puissans monarques et parcouru des royaumes en vainqueur sur les bords du Gange, en est souvent réduit à tenir garnison dans une petite ville ou à commander un régiment au sein de sa patrie. Ce fut le sort de Wellesley, que nous retrouvons, en 1806, chargé de dresser à la manœuvre une brigade d’infanterie sur la côte méridionale de l’Angleterre. Mais il n’était pas homme à prendre ombrage d’une prétendue injustice, ou à négliger par orgueil ou par dépit les devoirs d’une situation inférieure. Un ami lui demandait un jour, à cette époque, comment, après avoir vu sous ses ordres des armées de quarante mille hommes sur le champ de bataille, il pouvait se résigner à apprendre l’exercice à quelques centaines de recrues, pendant des mois entiers, dans une petite ville de bains fort à la mode. « Pourquoi non ? lui répondit Wellesley ; le motif est bien simple. Je suis nimmukwallah, selon le terme indien, c’est-à-dire que j’ai mangé le sel du roi, et qu’en conséquence je me crois obligé à le servir, lui et son gouvernement, partout où il leur plaira de m’envoyer. »

Tel a toujours été le langage de Wellington, dans l’armée comme dans l’administration civile, dans les plus hautes dignités comme