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de Walcheren, au moment où leur présence en Espagne aurait pu changer le cours des évènemens, pendant la seconde campagne de Napoléon en Autriche, et qui enfermait à Malte, en Sicile, à Cadix et sur plusieurs autres points isolés, les baïonnettes que réclamait sans cesse Wellington pour tirer parti de ses victoires. La patience ne lui était pas moins nécessaire en face des intolérables vexations que ne nous épargnaient pas nos alliés espagnols et portugais. À la vérité, leurs généraux ne ressemblaient pas tous au vieux Cuesta, qui haïssait plus encore ses alliés étrangers que ses ennemis, qui, en cédant aux ardentes prières du général anglais pour lui faire évacuer une position où Victor l’aurait infailliblement exterminé, se félicitait d’avoir forcé Wellington à l’en supplier à genoux ! et qui, après la sanglante bataille de Talavera, à laquelle il n’avait guère assisté qu’en observateur, refusa de nous prêter une seule bête de somme pour le transport de nos malheureux blessés, et un seul homme pour enterrer nos morts. Non, tous, heureusement, ne ressemblaient pas à Cuesta ; mais les plus braves ne nous étaient pas fort utiles, à cause de leur ignorance et de leur orgueil ; et il se trouvait toujours que les favoris des juntes ou des cortès étaient à la fois les plus grands fanfarons et les plus lâches, comme les plus incapables officiers. Quand ces généraux étaient braves, ils ne manquaient jamais de livrer bataille et de faire tailler en pièces leurs misérables armées ; puis, ils accusaient la prudence égoïste du général anglais, pour n’avoir pas joué ses vieux bataillons sur la même carte. Quand ils étaient lâches, ils se tenaient opiniâtrement à une distance respectueuse de l’ennemi, et publiaient en espagnol classique les plus belles proclamations du monde. C’est contre de tels hommes et de tels obstacles que la patience de lord Wellington eut trop souvent à s’exercer. Pour sa fermeté, je me bornerai à rappeler la défense du Portugal en 1810, et ces lignes de Torres-Vedras, sur lesquelles vinrent échouer le courage et la réputation de Masséna. Enfin, comme exemple de sagacité, personne n’a oublié le mémorable coup d’œil avec lequel il saisit à Salamanque un instant d’erreur de Marmont, et décida, en une heure, la plus importante victoire de toute la guerre.

Jamais chef n’a possédé plus complètement que lord Wellington le secret d’inspirer de la confiance au soldat : mais cette confiance, il faut l’avouer, tenait plus à la foi du soldat dans son étoile et dans son habileté militaire, qu’à son langage et à sa façon de le manier. À la tête des armées, il était plus froid, plus réservé, plus laconi-