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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

que encore qu’il ne s’est montré depuis dans le parlement et dans la direction des affaires du pays. Son caractère ne présente pas la moindre nuance de vanité ; on ne trouverait pas dans ses dépêches une ombre de charlatanisme, pas un mot d’éloge pour lui-même. Mais il y est presque aussi avare de louanges pour les autres, et ce langage excitant qui anime le soldat, en lui mettant la gloire sous les yeux et pour ainsi dire à sa portée, ce langage des grands capitaines qui fait presque toujours faire de grandes choses, il ne sait ou ne veut pas le parler. Ce n’est pas, comme on le prétend quelquefois, que le soldat anglais ne soit pas accessible à l’entraînement de ce langage : mais sous nos drapeaux il est d’usage de ne pas en essayer, et de tenir le soldat strictement attaché à la lettre de ses devoirs militaires, sans lui parler d’autre chose ; c’est lui faire tort, car il comprendrait bien un autre langage.

Cependant le caractère élevé de lord Wellington et sa constante fortune donnaient au moindre mot d’encouragement sorti de sa bouche une force que la plus chaleureuse éloquence communique rarement aux harangues militaires. Ceux qui l’ont vu, la pâleur et l’anxiété sur le front, mais toujours inébranlable et calme dans les plus grands dangers, disent que le sombre feu de son œil et le peu de paroles résolues qui tombaient alors de ses lèvres, exerçaient autour de lui une puissance magique. Hors de là, il se retranchait dans la sévérité d’une impassible étiquette, et l’armée n’avait guère de communication avec son chef. On ne saurait dire qu’il fût très populaire parmi ses officiers. L’éclat de ses victoires et de son nom a maintenant effacé tout pénible souvenir du passé, et ceux qui ont servi sous Wellington, en parlent comme les soldats d’Alexandre ou de César devaient parler de leur général ; mais à l’armée, son impénétrable réserve, son attitude raide et glaciale, le peu d’intérêt qu’il paraissait prendre, même aux plus braves et aux plus distingués de ses officiers, ne pouvaient inspirer un bien vif attachement pour sa personne. S’il avait été battu et rappelé de la Péninsule au milieu de sa carrière, sous le coup d’une défaite, il n’aurait pas trouvé beaucoup de défenseurs parmi ses compagnons d’armes. Cependant, comme il était toujours juste, comme on ne le soupçonnait ni de préventions, ni de partialité, s’il ne savait pas se faire aimer, au moins son caractère inspirait-il une entière confiance. Il pouvait avoir de l’éloignement pour telle ou telle personne, sans se laisser jamais aller à le lui faire sentir par d’injustes procédés. En voici une preuve. On le supposait généralement en assez mauvais termes avec sir Tho-