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jusqu’à ce que la France vînt l’écraser sous le poids de ses armées, et l’opposition anglaise put, avec justice, accuser le gouvernement d’avoir fait, pour prévenir ce résultat, une vaine tentative qu’il ne voulait ou ne pouvait pas rendre efficace, à quelque prix que ce fût.

Au commencement de 1827, la mort du duc d’York, frère du roi, laissa vacant le commandement en chef des armées anglaises. La couronne le conféra immédiatement au duc de Wellington. Peu de temps après eut lieu la retraite de lord Liverpool, qui porta M. Canning à la tête du gouvernement ; grande crise de notre histoire contemporaine, que j’ai eu plus d’une occasion de signaler dans le cours de ces portraits. Le duc de Wellington avait jusqu’alors très peu figuré dans les intrigues et les combinaisons diverses de notre politique intérieure. Il semblait étranger à la sphère où s’accomplissaient le fractionnement et les évolutions des partis, et ce fut pour le public un grand sujet d’étonnement, lorsqu’on le vit se mettre à la tête d’une défection des tories purs, qui se séparaient du nouveau ministère. Mais le fait est que le duc de Wellington, bien que peu connu à cette époque dans le parlement, avait insensiblement acquis une grande influence sur l’esprit de George IV, par cette faculté d’inspirer la confiance, qu’il tient de sa résolution et de sa fermeté de caractère. Dans un cabinet faible et tiraillé, ses conseils faisaient toujours pencher la balance. La mort de Castlereagh, la maladie de Liverpool, le grand âge de lord Eldon, avaient affaibli dans le sein du ministère la puissance réelle du vieux parti tory ; ce fut lui qui prit leur place à la tête de son parti. Pour le faire sortir de sa réserve habituelle et lui faire jouer un rôle décidé sur le théâtre de nos dissensions civiles, il ne fallait qu’un aiguillon, et cet aiguillon se trouva dans son animosité contre Canning, qu’il se détermina à combattre par sentiment et par principe. Le froid laconisme avec lequel il annonça cette résolution par une lettre rendue publique, et le ton sévère dont il la défendit au sein du parlement, irritèrent, plus que le fait lui-même, son ardent adversaire. Quand le nouveau premier ministre se vit combattu par le duc de Wellington à propos d’une loi sur les céréales, question qui avait fort peu intéressé le vieux soldat jusqu’à ce qu’il y trouvât des armes contre l’administration, Canning s’oublia jusqu’à l’accuser « de servir d’instrument aux plus artificieux intrigans. » Wellington fut assez maître de lui pour ne pas répondre sur le même ton ; mais leur animosité mutuelle ne fit que s’envenimer jusqu’à la mort de Canning.

Le faible ministère de lord Goderich, qui lui succéda, ne put ré-