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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

sister long-temps à l’opposition des tories, et, en janvier 1828, céda la place au duc de Wellington. Neuf mois avant, lorsqu’il était accusé par les ministériels d’alors de chercher à supplanter Canning, il avait solennellement déclaré dans la chambre des lords qu’il se tiendrait pour insensé le jour où il accepterait une dignité si étrangère aux occupations de toute sa vie. Quand on le vit oublier cette promesse, il n’y eut pas d’épigrammes et de sarcasmes que le parti libéral ne fît pleuvoir sur lui, et le peuple anglais, toujours si jaloux de la suprématie militaire, prêta facilement l’oreille aux déclamations véhémentes que provoquait cette concentration des deux pouvoirs en une seule main, car Wellington cumula quelque temps les fonctions de premier ministre et le commandement en chef de l’armée. Néanmoins, non seulement il resta premier ministre, mais il acquit peu à peu une certaine popularité dans la nation. La brusquerie militaire de ses manières, l’infatigable énergie avec laquelle il se livra aux plus minces détails d’une immense administration, ses réformes dans le personnel des emplois subalternes, lui eurent bientôt acquis les affections mobiles de la multitude. Tory comme il l’était, il ne professait pas en termes pompeux ces principes du système conservateur, que lord Eldon et lord Liverpool avaient si ouvertement préconisés. Au contraire, il semblait vouloir se faire un renom de libéralisme et de réforme, pourvu qu’on lui laissât toute liberté dans l’exécution de ses plans. Le ministère qu’il dirigeait était divisé d’opinion, composé d’hommes trop fiers pour se subordonner les uns aux autres ; il résolut de les dominer également et d’introduire dans le conseil la discipline d’une armée. Il est vrai que ce hardi projet ne réussit pas ; mais au moins il y déploya une résolution et une fermeté qui plurent au peuple, toujours satisfait de voir humilier les hommes éminens. Il chercha d’abord à se débarrasser des amis personnels de Canning qui étaient restés dans le ministère, et à la tête desquels se trouvait M. Huskisson, justement considéré, à cette époque, comme le chef d’un parti dans la nation. La manière dont il s’y prit est assez caractéristique pour mériter qu’on s’y arrête.

Il y avait alors au sein du parlement une question pendante qui excitait relativement peu d’intérêt dans le pays, toute grosse qu’elle fût de révolutions à venir. On proposait de conférer à la populeuse cité de Birmingham la franchise électorale ou le droit d’envoyer des députés au parlement, dont on avait récemment dépouillé deux petits bourgs, pour cause de corruption dans son exercice. Les tories s’y opposaient comme à une dangereuse innovation, et la plupart des