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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

Le duc de Wellington a eu, dans sa carrière parlementaire, à lutter contre un défaut bien rare chez les hommes d’état anglais, celui de ne pas savoir parler en public. Sa voix est sourde et monotone, sa manière gauche, son élocution embarrassée. Il est si peu maître de sa parole, qu’on souffre de l’entendre bégayer ses phrases traînantes et informes. Il n’a pas l’ombre d’éloquence, et cela tient à ce qu’il manque tout-à-fait d’imagination, qualité qu’il méprise même un peu chez les autres. Je sais que l’imagination peut égarer ; mais il me semble que, sans elle, on ne saurait être grand ministre dans un pays où les masses populaires ont une influence qu’on ne peut diriger ni dominer que par l’imagination et le sentiment.

La personne du duc de Wellington est trop connue en Europe pour qu’il soit nécessaire d’en tracer une esquisse minutieuse. Tout le monde a vu ces traits fortement accusés, qui semblent sculptés dans le bois le plus dur, et qui lui ont valu parmi ses soldats et dans la populace de Londres les sobriquets de vieux menton et de nez crochu (old chin and hook nose). La perte de ses dents a encore plus marqué chez le vieux général, depuis quelques années, cette conformation particulière de la figure, en même temps qu’elle gêne beaucoup son élocution. Il est au-dessous de la taille moyenne, grêle de stature et d’une raideur militaire qui passe la mesure commune. L’ensemble de sa personne est d’une simplicité presque grotesque. On le rencontre fort souvent dans les rues de Londres ou dans les allées du parc, à pied ou à cheval, et ordinairement seul. La vivacité de ses mouvemens et sa préoccupation continuelle en font un si mauvais cavalier, qu’il passe rarement un été sans accident sérieux. Mais il n’en est pas moins passionné pour la chasse, et quand il était en quartiers d’hiver dans la Péninsule, il avait toujours auprès de lui sa belle meute de chiens courans, aussi bien dressée et entretenue avec autant de soin que celle du plus paisible country-squire.

Le duc de Wellington aime beaucoup la société et ses plaisirs. Le faible du héros pour le beau sexe et ses habitudes de galanterie ont survécu à ses jours de gloire et de jeunesse, et ses tendres amours, qui contrastent d’une manière si comique avec la rudesse de son écorce, ont souvent amusé la malignité des salons. Il ne lui en reste maintenant qu’une prédilection marquée pour l’intimité caressante et familière des belles ladies, sur lesquelles il exerce une innocente attraction, et dont la douce société le repose de ses fatigues politiques. Depuis quelque temps, dit-on, il commence à raconter ses campagnes et ses aventures un peu plus longuement, et avec ce moi