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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/532

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REVUE DES DEUX MONDES.

Chine ; sur cette civilisation de quarante siècles, murée désormais pour nous, occidentaux si mobiles, si variables, et dont les plus anciennes industries datent à peine de deux ou trois siècles. Ces renseignemens incomplets ont suffi pour prouver que la production de la soie est bien autrement perfectionnée dans cette contrée lointaine que chez nous, et pour déterminer le ministre des travaux publics à faire imprimer aux frais de l’état un résumé que M. Stanislas Julien a été chargé de faire, de tous les livres publiés en Chine sur les vers à soie et sur les mûriers.

Ce résumé, déjà traduit dans presque toutes les langues de l’Europe, nous a fait connaître des procédés dont on n’avait nulle idée, et qu’on traiterait hautement d’absurdités, si l’expérience ne venait chaque jour en constater le mérite. Ainsi, l’on vient de reconnaître en Piémont que véritablement, comme l’annonce ce livre, les vers à soie peuvent être nourris avec des feuilles de mûrier humectées et saupoudrées de farine de riz. Cette farine, qu’ils ne mangeraient point seule, ils la mangent alors avec avidité ; leur accroissement en devient plus rapide, leur conservation est plus assurée, et ils donnent un produit incomparablement plus beau. Diverses autres substances farineuses, de même que les feuilles de mûrier séchées et réduites en poudre, sont également acceptées par les vers à soie, quand on en saupoudre les feuiles fraîches et légèrement humectées.

Voilà donc, pour suppléer aux feuilles de mûrier, des moyens bien préférables à l’emploi des feuilles de scorzonère qu’on a essayé plusieurs fois de leur substituer.

Il faut signaler aussi, comme déjà vérifié par l’expérience, le procédé employé par les Chinois pour faire mourir les chrysalides dans leurs coques, sans les exposer à la chaleur du soleil, ou d’un four, ou de la vapeur qui altère plus ou moins la soie : il leur suffit, pour cela, d’enfermer dans des vases bien clos les cocons avec des paquets de sel desséché qui, absorbant l’humidité nécessaire à l’existence des chrysalides, les font périr et les transforment en véritables momies.

Beaucoup d’autres indications, puisées dans leurs livres, prouveront sans doute que des procédés soumis par les Chinois à l’épreuve d’une si longue pratique, ne sont pas plus à dédaigner que leur moyen de creuser des puits artésiens. Aujourd’hui que les innombrables livres chinois commencent à être moins rares en Europe, on doit donc désirer que des hommes laborieux se dévouent à l’exploitation d’une mine si féconde. Nos sciences et surtout notre industrie s’enrichiraient ainsi des procédés de ce peuple, qui, s’il n’a pas l’esprit inventif, sait au moins conserver, en les perfectionnant, les découvertes qu’il a une fois faites, et se trouve ainsi véritablement riche de tout ce que lui ont légué deux cents générations qui se sont succédées sur le même sol.


F. D.

F. BULOZ.