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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/533

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LA
DERNIÈRE ALDINI.

ALLA SA CARLOTTA MARLIANI,

consulessa di spagna.
Les mariniers de l’Adriatique ne mettent point en mer une barque neuve sans la décorer de l’image de la madone. Que votre nom écrit sur cette page soit, ô ma belle et bonne amie, comme l’effigie de la céleste patronne qui protège un frêle esquif livré aux flots capricieux.

À cette époque-là, le signor Lélio n’était plus dans tout l’éclat de sa jeunesse ; soit qu’à force de remplir leur office généreux, ses poumons eussent pris un développement auquel avaient obéi les muscles de la poitrine, soit le grand soin que les chanteurs apportent à l’hygiène conservatrice de l’harmonieux instrument, son corps, qu’il appelait joyeusement l’étui de sa voix, avait acquis un assez raisonnable degré d’embonpoint. Cependant sa jambe avait conservé toute son élégance, et l’habitude gracieuse de tous ses gestes en faisait encore ce que sous l’empire les femmes appelaient un beau cavalier. Mais si Lélio pouvait encore remplir, sur les planches de la Fenice et de la Scala, l’emploi de primo uomo sans choquer ni le goût, ni la vraisemblance ; si sa voix toujours admirable et son grand talent le maintenaient au premier rang des artistes italiens ; si ses abondans cheveux d’un beau gris de perle, et son grand œil noir plein de feu, attiraient encore le regard des femmes aussi bien dans les salons que sur la scène, Lélio n’en était pas moins un homme sage, plein de