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Il y aurait une monographie à faire des épouses sœurs ; pour être complet, il y faudrait faire entrer celles qui en venaient un jour à se repentir du sacrifice de leurs époux[1].

Ausone accusait Therasia du silence de son ami ; il engageait celui-ci à lui répondre en secret, et faisant allusion à l’empire que la femme de Tarquin-le-Superbe exerça sur son époux : Que ta Tanaquil l’ignore, ajoutait-il. Il allait même jusqu’à indiquer à Paulin des moyens furtifs d’écrire sans que l’épouse redoutée pût lire les caractères qu’il aurait tracés. Il invoquait les liens de l’amitié, rendus plus étroits par la communauté des études et la paternité de l’enseignement.

« Je suis ton père, disait Ausone, c’est moi qui t’ai introduit dans la société des muses. » Puis, lui adressant d’aimables reproches : « Tu as donc secoué le joug d’amitié que tous deux nous avons porté ensemble, et que, durant une si longue suite d’années, n’ébranla ni une plainte, ni un faux rapport, ni une colère, ni même une erreur. Ce joug si paisible, si doux, que nos pères aussi portèrent depuis leurs premiers ans jusqu’à leur vieillesse, et qu’ils nous ont légué à nous, leurs fils, pour toute la durée de notre vie.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Sans toi, les vicissitudes de l’année sont pour moi sans charmes, le printemps est pluvieux et sans fleurs. Oh ! quand un messager m’apportera-t-il ces paroles : Voilà ton Paulin qui arrive ! Tout le peuple se précipite à sa rencontre, et passant devant la porte de sa maison, il vient frapper à la tienne. Faut-il y croire ? ou ceux qui aiment se forgent-ils des songes ? »

Credimus an qui amant ipsi sibi somnia fingunt ?

Ainsi, dans ses mouvemens les plus sincères, l’ame d’Ausone, toujours poursuivie par les souvenirs d’une érudition, cette fois gracieuse, demande à Virgile un dernier accent, une dernière parole pour décider au retour son élève bien-aimé.

La troisième épître est encore plus pressante. Blessé du silence de Paulin, Ausone répand son impatience en vers d’une poésie d’expression qu’il n’a jamais peut-être égalée.

« Les rochers répondent à la voix, les ruisseaux font entendre un murmure, la haie qui nourrit les abeilles d’Hybla se remplit de bourdonnemens, les roseaux de la rive ont leur mélodie, et la cheve-

  1. Voyez dans Grégoire de Tours et dans Cassien, coll. XXI, ch. viii.