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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/705

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PORT-ROYAL.

réellement et manifestement de tous ceux qui avaient précédé, par la vigueur de l’agression, par la nouveauté et l’étendue des plaies qu’il avait faites. La connaissance de l’antiquité, en débordant, avait apporté à une foule d’esprits supérieurs une sorte de nouveau paganisme et l’indifférence pour la tradition chrétienne. La séparation de Luther et de Calvin, de quelque point de vue qu’on la juge, là où elle n’avait pas triomphé, avait été une grande cause d’ébranlement. Les railleurs et les douteurs, comme Rabelais ou Montaigne, bien qu’encore isolés, levaient la tête en plus d’un endroit. L’intelligence vraie de l’antique esprit chrétien, que les confesseurs de Genève et d’Augsbourg s’efforçaient de ressaisir, n’existait plus dans les écoles catholiques ; la théologie scolastique se maintenait sans la vie qui l’avait animée en ses âges d’inauguration ; les sources directes des pères étaient tout-à-fait négligées. En Espagne, en Italie, les réformes partielles de sainte Thérèse, de saint Charles Borromée, donnèrent signal au grand effort qui devenait nécessaire au sein de l’église romaine pour résister à tant de causes ruineuses. Saint Ignace et son ordre, en se portant expressément contre le mal, firent de grandes choses, et pourtant devinrent bientôt eux-mêmes une portion de ce mal, en voulant trop le combattre sur son terrain, avec ses propres armes mondaines, et en ignorant trop l’antique esprit pratique intérieur. En France particulièrement, aux premières années du xviie siècle, tout restait à relever et à réparer. Les guerres civiles, attisées au nom de la religion, l’avaient d’autant plus outragée et abîmée. Henri IV, en rétablissant l’ordre politique et la paix, fournit, en quelque sorte, le lieu et l’espace aux nombreux efforts salutaires qui allaient naître, et dont Port-Royal devait être le plus grand.

Autant le xvie siècle fut désastreux pour l’église catholique (je parle toujours particulièrement en vue de la France), autant le xviie qui s’ouvre, lui deviendra glorieux, La milice de Jésus-Christ, dans ses divers ordres, se rangera de nouveau ; des réformes, dirigées avec humilité et science, prospéreront ; de jeunes fondations, pleines de ferveur, s’y adjoindront pour régénérer. Au milieu de ces ordres brillera un clergé illustre et sage ; et Bossuet, dans sa chaire adossée au trône, dominera. De tous les beaux-esprits, les talens et génies séculiers d’alentour, la plupart s’encadreront à merveille dans les dehors du temple ; aucun, presque aucun, ne soulèvera impiété ni blasphème ; beaucoup mériteront place sur les degrés.

Eh bien ! ce xviie siècle, si réparateur et si beau, arrivé à son