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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/725

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POÈTES ET ROMANCIERS DU NORD.

Axel est une fable invraisemblable et en même temps vulgaire, et sa Saga de Frithiof est la reproduction exacte de la saga islandaise. Tegner n’est pas un de ces hommes qui, d’une main vigoureuse, soulèvent les blocs de marbre pour construire leur monument. Il n’est pas de cette haute famille de poètes à laquelle appartiennent Shakspeare et Goëthe ; mais il doit être rangé au premier rang de ces hommes aimés, qui cherchent la poésie dans les émotions de leur cœur plutôt que dans les efforts de l’imagination, qui se créent, avec leurs croyances pieuses, avec leurs rêves d’amour, un monde idéal plein de douces harmonies, d’illusions dorées et de pensées suaves.

Tegner a un admirable talent d’expression ; son style est pur, limpide, riche d’images, et habilement coloré. Son vers est franc et correct, facile et sonore. Quand on lit ses poésies, on dirait que toutes ces strophes, si souples et si gracieuses, ont été jetées d’un seul trait, comme un coup de pinceau, comme un accord de musique, et cependant il est évident qu’il n’en a pas écrit une seule sans l’avoir étudiée et corrigée avec soin. Quelquefois, comme l’a dit un critique suédois[1], sa poésie légère ressemble à une bulle de savon ; mais c’est une bulle transparente où se reflètent l’azur du ciel et les plus purs rayons de lumière. La même harmonie de langage, la même finesse d’expression, se retrouvent dans les discours en prose qu’il a prononcés en diverses circonstances. C’est sans doute à ces qualités de style que Tegner doit une grande part de sa popularité ; mais il la doit aussi à la nature de ses inspirations, aux idées dont il s’est rendu l’interprète. Dans chacune de ses œuvres, il a toujours été l’homme du Nord, l’homme de la Suède ; il a chanté avec enthousiasme les montagnes vertes, les solitudes agrestes, les lacs bleus de son pays. Quand il a essayé de faire un poème épique, il a pris son sujet dans une chronique nationale ; et, quand il a dépeint ses rêveries mélancoliques, il a été comme l’organe fidèle d’une pensée générale, d’une disposition d’ame habituelle dans son pays. Chacun l’a écouté avec empressement, car chacun a cru retrouver, dans ce qu’il disait, une partie de ses propres émotions.

La popularité du poète ne tient pas tant à la hauteur de son génie qu’à la direction de ses idées et à la forme dont il les revêt. Les plus grands poètes, nous le savons tous, ne sont pas les plus populaires ; c’est un fait triste à constater, car il prouve que le sentiment de notre personnalité l’emporte sur le sentiment de l’art. Mais c’est un fait

  1. Hammarskœld, Svenska Vitterheten.