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légitimiste, dans l’élection d’un vice-président ; et ne voyez-vous pas que le ministère travaille pour Henri V ? Ce mot a été prononcé dans la chambre, et a profondément indigné tous ceux qui n’ont pas encore consenti à faire plier le genou à la révolution de juillet devant la légitimité.

Pourquoi faut-il que l’opposition ne veuille pas combattre ses adversaires par le même zèle et la même activité ? Plus de cent députés sont encore absens de la chambre, et le plus grand nombre appartient aux bancs de la gauche et du centre gauche. Quelle idée se font donc de leurs fonctions politiques les hommes qui les sacrifient ainsi à leurs affaires, à leurs convenances, peut-être même à leurs plaisirs ? On brigue la députation par vanité ; on en trahit les devoirs par impuissance ou par inertie. Tant que les électeurs n’exerceront pas, comme en Angleterre, une surveillance assidue sur leurs mandataires, nous aurons toujours à nous plaindre de ces scandaleuses négligences. C’est à l’opinion, par ses sévérités publiques, à ramener aux devoirs de la vie politique ceux qui les méconnaissent. Tel rougirait de manquer à un engagement pris, dans les affaires de la vie domestique, d’être absent quand il s’agit d’assister un ami, et qui désertera sans scrupule le champ clos des débats parlementaires et des intérêts sociaux.

La fidélité aux devoirs de la députation n’a jamais été plus nécessaire, car de vives questions sont en jeu. La discussion de l’adresse roulera sur les difficultés les plus sérieuses de la politique étrangère et intérieure ; nous ne voyons pas pourquoi la juste indignation qu’a soulevée l’attentat du 27 décembre lui ferait perdre de sa vivacité. Loin de là, dans les crises exceptionnelles, les pouvoirs parlementaires doivent redoubler d’énergie et de sincérité. Le discours de la couronne appartient à la discussion constitutionnelle ; il y a des ministres qui doivent en recevoir le choc, et qui doivent accepter sans réserve la responsabilité des paroles royales.

La Charte défend à l’opposition de faire remonter plus haut que le ministère les reproches qu’elle adresse au gouvernement : tant mieux ; en limitant le terrain de la discussion, la Charte le rend à la fois plus ferme et plus inviolable. Nous n’avons pas à discuter la valeur philosophique de l’irresponsabilité royale ; nous l’acceptons comme un fait, et nous en reconnaissons l’empire. Mais aussi, plus le roi est mis hors de toute atteinte, plus les ministres doivent s’offrir eux-mêmes aux coups de leurs adversaires.

Le ministère n’est donc pas recevable à venir parler à la chambre de politique royale ; il doit parler de la sienne et la défendre. Alors la chambre pourra discuter la valeur de ces phrases du discours de la couronne, après les avoir blâmées dans leur forme : « Je m’applaudis d’avoir préservé la France de sacrifices dont on ne saurait mesurer l’éten-