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REVUE. — CHRONIQUE.

ques réformes heureuses devenaient possibles dans la pratique et le jeu de la constitution ; mais toujours l’intolérance d’une coterie est venue se jeter à la traverse de ces dispositions et de ces espérances. C’est ainsi qu’on rend inévitables les révolutions et les crises violentes. Les véritables conservateurs, dans un état représentatif, sont ceux qui veulent tirer, de la constitution consentie, tous les progrès et tous les avantages dont elle porte avec elle les principes, et qui peuvent ainsi montrer aux esprits ardens, que le travail et la patience ont aussi, en politique, leurs conquêtes et leurs triomphes. Au contraire, on pousse aux révolutions, on est révolutionnaire d’une manière étroite et perverse, quand on ferme de gaieté de cœur toutes les issues aux ardeurs généreuses, quand on envenime les dissentimens, au lieu de les adoucir ; quand, avec une vanité qui ne désarme jamais, on met hors la loi tous les talens et tous les caractères qui ont besoin d’indépendance et de dignité.

Il paraît que nos importans sont arrivés au dernier degré d’exaltation et de colère contre l’ancien président du conseil, qui les désespère par la netteté et la décision de ses vues politiques. Il est vrai que M. Thiers juge avec une sagacité peu commune la portée d’une situation. Dès l’apparition de M. Casimir Périer aux affaires en 1831, il sentit la puissance de cette énergique volonté, et s’attacha à sa fortune. Aujourd’hui M. Thiers, et ce jugement remonte au 22 février, a pressenti que la petite coterie doctrinaire avait plus de passé que d’avenir ; aussi il accepta le pouvoir sans elle, et même contre elle. Ce parti pris était, de la part de M. Thiers, un jugement accablant. Il est triste d’être abandonné par un homme qui a l’esprit juste, l’œil perçant et sûr ; et quand la retraite volontaire de M. Thiers, qui sacrifiait avec résolution un présent dont il n’était plus le maître aux chances d’un grand avenir, eut laissé le champ libre à ses anciens alliés, ceux-ci revinrent en disant qu’ils ne lui pardonneraient jamais d’avoir voulu les mettre au grenier comme de vieux meubles.

Malgré le douloureux évènement qui peut prolonger l’existence du cabinet du 6 septembre, nous tenons pour juste l’arrêt porté par M. Thiers. Au fond, le parti doctrinaire qui s’agite et intrigue depuis six ans, est bien près de sa fin. Lui-même n’est pas sans s’apercevoir des dangers qu’il court ; aussi que de colères, que d’irritations ! mais d’un autre côté, que de soins, que d’activité ! On marche au combat avec une discipline admirable ; on ne permet pas à un seul homme d’être absent du champ de bataille ; on a des voitures pour amener à la chambre les indolens et les retardataires ; on aiguillonne, on surveille tout le monde ; on a des argumens pour toutes les consciences et pour toutes les opinions. « Comment ! vous votez contre nous ? disait un ministériel à un