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Le temps lui donnera raison sur certains points qui peuvent encore paraître douteux à plusieurs. En s’attachant avec une fermeté sincère à l’esprit de la constitution de son pays, on est en règle avec sa conscience et avec tous les évènemens possibles.


M. Paul de Musset vient de publier un ouvrage nouveau qui a pour titre : Anne Boleyn[1]. Il y aurait, à propos de ce livre, une dissertation à faire sur ce qu’on nomme le roman historique, car l’intérêt purement romanesque s’y allie d’un bout à l’autre à la vérité la plus scrupuleuse. C’était une entreprise difficile, et plus nouvelle qu’on ne le pense peut-être, que d’offrir au lecteur une étude à la fois aussi sévère et aussi attachante ; sauf le respect que nous devons aux maîtres, nous croirions presque cette alliance parfaite du roman et de la chronique aussi malaisée que l’illustre adultère du grotesque et du terrible, qui, jadis, fit bruit, comme on sait. Dans une préface pleine de bon goût et de vraie modestie, M. Paul de Musset annonce clairement quelles ont été ses intentions, et développe, mieux que nous ne pourrions le faire, la théorie qui lui sert de guide : « Le roman historique, dit-il, tel que Walter Scott l’a créé, est, à mon sens, d’une difficulté extrême. Walter Scott puise ses sujets dans une anecdote, une légende, ou, le plus souvent, dans les trésors de son imagination ; puis il rattache son invention par un fil imperceptible à quelque fait historique. De cette manière il y a cent raisons pour que la fable et la réalité se nuisent réciproquement ; et il ne fallait pas moins que le génie du romancier écossais pour traverser heureusement tant d’écueils. Je me suis figuré qu’un roman biographique offrait moins de dangers. Le sort a fait, sans y penser, dans la destinée d’Anne Boleyn un roman. J’ai respecté scrupuleusement les faits ; le reste, il faut bien le créer soi-même. »

Nous ne doutons pas que ces simples paroles, écrites à la première page d’un livre, ne donnent à penser aux érudits et ne disposent favorablement les lecteurs les plus indifférens. C’est une qualité si rare aujourd’hui que le défaut de vanité ! Mais ce n’est qu’une qualité de préface ; aussi nous risquerons-nous, non sans crainte, à citer ici l’utile dulci. En rendant compte du dernier ouvrage de M. Paul de Musset, Lauzun, nous avions adressé à l’auteur quelques reproches sur son dénouement, où la vérité était sacrifiée à l’effet ; la même impartialité doit nous faire dire aujourd’hui que de la vérité consciencieusement rendue résulte, dans Anne Boleyn, un effet terrible et dramatique qu’on ne s’attendait pas à trouver dans un sujet dont la fin est prévue. Après avoir vu la naïve jeune fille à la cour

  1. Victor Magen, quai des Augustins, 21.