Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
135
LA VALACHIE ET LA MOLDAVIE.

leurs élèves, sont rentrés dans leurs corps avec des habitudes moins brutales et moins violentes.

Tel est ce peuple, toujours prêt à s’emparer des influences qui lui viennent du dehors. Avec quel empressement a-t-il dû adopter les modes françaises, le luxe des habits, la magnificence des équipages et des chevaux ! En aucun pays du monde, les équipages ne sont plus riches ni plus élégans. Il est difficile d’imaginer cette variété de formes et de couleurs, cet éclat d’ornemens, ce choix de chevaux admirables. Les brillans dehors de la société européenne séduisent le Valaque, et le jettent dans un luxe sans bornes. Au lieu de saisir le principe vital de cette civilisation qu’il adore, il ne lui emprunte que des usages attrayans, des dépenses frivoles, une écorce brillante. En vain est-il prêt à toutes les réformes ; en vain veut-il innover ; le fond et la base lui manquent. C’est ce qui arrive à tous les peuples peu avancés, et ce qui devait surtout arriver à un peuple aussi impressionnable que les Moldovalaques. Il ne faut pas néanmoins désespérer de ce pays. Outre les admirables dispositions des Moldovalaques pour entrer dans la voie du progrès et des améliorations, il y a là un état social qui est loin d’offrir les grands obstacles que les réformes rationnelles ont rencontrés partout ailleurs ; on y trouve une aristocratie imbue, il est vrai, de préjugés, mais qui n’en marche pas moins à la tête de la nation, et qui, entre des mains habiles, serait un instrument admirable de rénovation.

La noblesse y est de vieille souche, mais, en grande partie, seulement titulaire ; les substitutions sont inconnues ; point de prolétariat en guenilles. Au premier coup d’œil, le voyageur serait tenté de croire qu’il n’y a là que des propriétaires terriens et des hommes de peine condamnés à exploiter le territoire. Erreur ; chacun possède son petit capital qu’il exploite, tout en payant quelques redevances annuelles réglées par la loi. À l’exception d’un très petit nombre de personnes qui ne possèdent rien, tous les habitans ont un fonds plus ou moins considérable, mobilier ou immobilier : ce sont les bras qui manquent aux entreprises. Autour de la capitale et de quelques autres villes, les hommes en place ont concentré dans leurs mains la propriété foncière : leurs domaines se sont élargis et étendus aux dépens de leurs voisins ; une bonne justice déchirerait en un moment leurs titres usurpés. Dans toutes