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LA VALACHIE ET LA MOLDAVIE.

trice, ou remplacez-la. La conquête russe vous offusque ? Employez des moyens plus désintéressés, en harmonie avec les intérêts et la tranquillité de l’Europe.

La Grèce ne s’est relevée que grace au travail préparatoire de la Russie, et cependant son existence sera incertaine tant que la question orientale restera en suspens. La Valachie et la Moldavie, à quelques différences près, sont dans la même situation où se trouvait dernièrement la Grèce, lorsque l’Europe prit en main sa cause. Poussée à l’insurrection par la Russie, elle venait d’échapper à la domination turque par les miraculeux exploits de ses enfans. Il s’agissait de savoir ce qu’elle deviendrait : on décida qu’elle formerait un état à part. La Valachie et la Moldavie n’appartiennent plus aujourd’hui que de nom à la Turquie. Mais appartiennent-elles à la Russie ? Non : elles appartiennent à toutes les deux, assez pour ne pas s’appartenir à elles-mêmes. Que faut-il faire pour mettre fin à cet état déplorable ? Les replacer sous la férule de la Turquie ? Les laisser dans l’état où elles se trouvent ? Ce serait donner carte blanche à la Russie, lui ouvrir la porte qui doit la conduire à l’envahissement successif de toute la Turquie. Ce qu’elle a fait déjà pour la Valachie, elle le fera demain pour la Servie, et déjà elle s’est mise à l’œuvre ; la Romélie et la Grèce viendront après. Aujourd’hui l’Europe peut prendre une grande part à ce mouvement, le diriger peut-être ; bientôt il ne sera plus temps.

Déclarez les deux provinces indépendantes, vous remédiez à tout. Ce n’est pas là une prétention, mais un droit : le pays ne s’est soumis à la Porte Ottomane que par une capitulation dont nous avons donné la teneur, et qui n’accordait pas aux sultans les priviléges qu’ils se sont arrogés plus tard : les traités conclus entre la Russie et la Turquie ont suffi pour faire disparaître ces abus. Placées dès l’origine, à l’égard de la Porte, dans une position incomparablement meilleure que celle de la Grèce et de tous les pays soumis au sultan, il n’a fallu, pour les ramener à leur état primitif, que mettre fin aux empiétemens des Turcs.

Il ne s’agit donc plus que d’effacer la suprématie de la Porte. Elle exigea autrefois cette suprématie, comme garantie contre les attaques d’un peuple belliqueux qu’elle ne se souciait pas de conquérir. L’intérêt actuel du sultan est de renoncer à ce faible tri-