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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/167

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LA VALACHIE ET LA MOLDAVIE.

avant tout à la Servie, qui, dans une bonne combinaison, devra se réunir à la Bulgarie. Enfin, le trône grec serait placé à Constantinople[1]. Au reste, quel que soit le parti que l’on prenne à l’égard de la Turquie, ce qui concerne la Valachie et la Moldavie doit être considéré comme faisant une question à part ; c’est une question purement russe, et rien que cela. Le sultan et les intérêts du sultan pourront être mis en jeu par la Russie, cette tardive amie qui s’est éprise d’un si grand amour pour son allié de fraîche date ; mais évidemment les intérêts de la Porte n’y sont pour rien. Voilà ce qu’il ne faut point perdre de vue ; c’est au moyen de cette vérité mise au jour en dépit de ceux qui voudront l’obscurcir, que l’on peut déjouer toutes les manœuvres et obtenir la coopération même du sultan. Que le gouvernement turc devienne plus éclairé ou non, qu’il reste stationnaire ou non, cela importe peu à ces provinces. L’influence turque en a disparu entièrement depuis le traité d’Andrinople. Personne ne s’avisera de la faire revivre. Sera-t-elle incontestablement remplacée par l’influence ou plutôt par la domination russe ? voilà toute la question. Là-dessus, nous le répétons, les intérêts du sultan s’accordent avec ceux de l’Europe. Il est possible que la restauration nationale que nous proposons aujourd’hui dans ces provinces puisse servir plus tard de jalon et

    inférieurs aux Grecs pour la bravoure, et ils sont infiniment au-dessus d’eux quant aux qualités morales, et même quant au patriotisme. C’est le type d’une nation patriarcale. En Servie, il n’y a point de propriétés particulières ; tout appartient à l’état, s’il y a un état ! Ces Spartiates qu’on admire dans les livres, allez les voir en réalité. Et ce sont là les peuples que l’on veut tenir asservis au joug du sultan !

  1. Le morcellement de l’empire ottoman, au profit des populations chrétiennes qui occupent les deux tiers du territoire, n’est pas une idée nouvelle. En 1833, M. de Broglie, lors de la discussion sur l’emprunt grec, a paru pressentir la probabilité d’un semblable dénouement à la question orientale. Un fait curieux, cité par M. d’Eichthal, vient à l’appui de cette opinion. « Sur les frontières grecques, nous avons vu les paysans thessaliens venir demander à leurs compatriotes, réfugiés sur le territoire grec, quand leur serait donné le signal du soulèvement. Des armes et de la poudre, voilà tout ce que demandent ces hommes résolus ; et il est certain qu’il faudrait peu de chose, même bien peu d’argent, pour mettre ces provinces en combustion, et les enlever, par une courte guerre, à la domination turque. Des députés épirotes, thessaliens, albanais, macédoniens, étaient venus assister secrètement, et sans y avoir été convoqués, au couronnement du roi de la Grèce ; ils étaient chargés de rapporter à leurs concitoyens qu’ils avaient vu de leurs yeux le roi du nouveau royaume. À la dernière révolte de l’Albanie, en 1835, si le gouvernement grec eût donné le moindre appui à l’insurrection, elle fût devenue universelle, et l’autorité du roi de la Grèce eût été instantanément reconnue et acceptée. » (Les Deux Mondes, par M. Gustave d’Eichthal, formant l’introduction de l’ouvrage de M. Urquhart sur les Ressources de la Turquie).