Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
188
REVUE DES DEUX MONDES.

l’art chez Dante. Laissant aux futurs génies de nos temps le souci de se tirer à leur tour, par un coup d’aile sublime, de tant d’études croissantes et de tout ce fardeau du passé, et en prenant les choses comme elles se présentent aujourd’hui, notons déjà le bienfait. Ce n’est pas une étude morte et purement savante, que celle à laquelle notre époque s’est vouée. Elle a de toutes choses l’étude colorée et vivifiée, l’intelligence et l’amour. Elle l’a d’elle-même d’abord ; car, comme elle n’omet rien dans son regard, elle ne saurait s’omettre, elle aussi, la première, dans cette analyse et cet amour. Elle est donc lyrique, non plus primitivement lyrique comme Alcman et Alcée ; mais avec réflexion, comme René, Byron, Lamartine. Et puis elle est essentiellement historique, soit comme Walter Scott dans l’art encore, soit comme tant d’historiens que chacun nomme, dans l’histoire pure et sévère. Ainsi, poésie lyrique personnelle et esprit des temps ! À travers toute la bagarre de fabrique littéraire qui, par momens, rompt la vue ; au milieu de toute cette boue fréquente, hideuse, qui nous éclabousse les pieds, et que l’avenir, j’espère, ne verra pas, voilà des signes originaux qui distingueront peut-être assez noblement ce siècle, si préoccupé entre tous de son ambitieuse destinée.

L’Histoire de sainte Élisabeth de Hongrie, par M. de Montalembert, provoque bien naturellement ces considérations : c’est une légende exacte de sainteté, une pièce d’onction et d’art du moyen-âge, écrite en toute science et bonne foi par un homme de nos jours. Au commencement du siècle, l’art allemand du moyen-âge fut en quelque sorte découvert, éclairé, restitué, grâce à de beaux travaux d’archéologie auxquels les frères Boisserée de Cologne attachèrent leur nom. L’école catholique allemande se fonda successivement dans la philosophie, la poésie, la peinture. Stolberg, Frédéric Schlegel, Novalis, Gœrrès, Brentano, Overbeck, etc., etc., forment déjà une chaîne assez complète et brillante. Munich est devenu le principal centre de cette influence. M. de Montalembert s’y rapporte par cette œuvre. Très jeune, plein de foi, d’abord un des collaborateurs de l’Avenir, et disciple de M. de La Mennais, après s’être dévoué avec noblesse, puis s’être séparé avec simplicité, il alla passer deux ans de réflexion, de douleur et d’étude en Allemagne. Il faut, dans son introduction, l’entendre raconter lui-même comment, en arrivant à Marbourg, il vit l’église gothique