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Et bat de son souffle infernal,
La plainte des soldats déchirés par le glaive,
La balle et le boulet fatal,
Tous les bruits effrayans que l’homme entend ou rêve
À ce concert n’ont rien d’égal ;
Car cette noire symphonie
Aux instrumens d’airain, à l’archet destructeur,
Cette partition qui fait saigner le cœur,
Est souvent chantée en partie
Par l’avarice et la douleur.

Et vous, heureux enfans d’une douce contrée
Où la musique voit sa belle fleur pourprée,
Sa fraîche rose au calice vermeil,
Croître et briller sans peine aux rayons du soleil ;
Vous qu’on traite souvent dans cette courte vie
De gens mous et perdus aux bras de la folie,
Parce que doux viveurs, sans ennui, sans chagrins,
Vous respirez par trop la divine ambroisie
Que cette fleur répand sur vos brûlans chemins,
Ah ! bienheureux enfans de l’Italie,
Tranquilles habitans des golfes aux flots bleus,
Beaux citoyens des monts, des champs voluptueux
Que le reste du monde envie ;
Laissez dire l’orgueil au fond de ses frimats !
Et bien que l’industrie, ouvrant de larges bras,
Épanche à flots dorés sur la face du monde
Les trésors infinis de son urne féconde,
Enfans dégénérés, oh ! ne vous pressez pas
D’échanger les baisers de votre enchanteresse
Et les illusions qui naissent sous ses pas,
Contre les dons de cette autre déesse,
Qui veut bien des humains soulager la détresse,
Mais qui, le plus souvent, ne leur accorde, hélas !
Qu’une existence rude et fertile en combats,
Où, pour faire à grand’peine un gain de quelques sommes,
Le fer use le fer et l’homme use les hommes.