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mais il ne voulut rien accepter, et il réclama seulement 60 francs de frais d’avances. Si Fournel vivait encore, il eût pu recueillir ce trait, qui eût peut-être été le seul du même genre dans son Histoire des avocats.

Dès la reprise du Journal des Savans, en 1816, M. Raynouard en fut l’un des rédacteurs les plus assidus ; il y publia, en vingt ans, cent quatre-vingt-douze articles, depuis le compte rendu du Roman de la Rose, édité par M. Méon, jusqu’à l’examen des récens volumes de l’Histoire littéraire, qui paraît après sa mort. — À propos de l’Histoire de Pie VII, de son collègue M. Artaud, il écrivait au Journal des Savans, il y a quelques mois, ce parallèle entre l’empereur et le pontife ; la haine du vieux citoyen dévoué à la liberté, et peut-être aussi un peu d’amour-propre de poète blessé et mal guéri, y apparaissent, malgré la sévère austérité du savant :

« Napoléon s’éleva lui-même au rang suprême avec une hardiesse préméditée ; il n’attendit pas que la fortune vînt à lui, il la brusqua avec succès, et, renversant tour à tour les barrières qui le séparaient du pouvoir, il se fit premier consul, il se fit empereur. Chiaramonte, modeste dans ses vœux, heureux de son obscurité, fut appelé successivement, et presque malgré lui, à des dignités ecclésiastiques ; et quand tous les suffrages se réunissaient pour lui offrir la tiare pontificale, il se refusait encore le sien… L’un, fils de la liberté, parvenu en se déclarant son défenseur, l’a étouffée dès qu’il a pu le faire avec impunité ; l’autre, fils de la religion, n’a cessé de lui consacrer tous ses instans, tous ses vœux ; et, acceptant pour elle les chagrins, l’exil, la prison, lui est demeuré fidèle jusqu’au dernier soupir. »

Puis à la mort résignée de Pie VII, jouissant du sentiment de sa vertu et de cette espérance qui n’abandonne jamais l’opprimé, M. Raynouard oppose la fin inquiète de Napoléon dans l’exil. Après avoir montré le captif de Sainte-Hélène, par un de ces retours de fortune qui sont la leçon de l’histoire, envoyant demander un confesseur à ce même pontife auquel ses agens avaient refusé l’accomplissement de cette consolation religieuse, il finit par conclure, comme cela n’est pas étonnant de sa part, que Bonaparte a su subjuguer l’admiration, mais qu’il ne mérite pas la reconnaissance. — Il ne faut pas croire que tous les articles de M. Raynouard, au Journal des Savans, soient écrits du même style que le fragment qui précède. Mêlé sans cesse de citations, et loin d’être plein et nourri comme ici, il tourne souvent à la concision. On eût même dit, dans les derniers temps surtout, qu’à force de parler des vieux poètes, il leur empruntait quelques-unes de ces vieilles formes elliptiques, où le verbe fait presque défaut.

M. Raynouard, affligé et triste des places vides que la mort laissait cha-