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LETTRES POLITIQUES.

bre s’est décidée à adopter la manière du bonhomme Chrysale, à vivre de bonnes lois et non de beau langage. De qui M. Royer-Collard voulait-il s’amuser ces jours-là, de M. Molé, dont l’assurance à la tribune et la parole assez nette ont déconcerté ceux qui ne voulaient que rire de son embarras, sans intimider ceux qui avaient résolu de le combattre, ou de M. Guizot, qui s’est résigné d’assez bonne grâce, en apparence, à la suprématie si publiquement et si fréquemment exercée de son collègue ? Je l’ignore, et, certes, ce n’est pas M. Royer-Collard qui nous le dira.

Il vint encore à M. Molé d’autres auxiliaires que le président du conseil n’attendait pas. Quelques anciens amis de M. Thiers s’étaient formé certaines habitudes d’aversion contre les doctrinaires, et trouvaient que c’était une condition bien dure que de changer à la fois et si brusquement de haines et d’affections. Depuis long-temps, aussi, ils s’étaient accoutumés à la fréquentation du pouvoir et aux douceurs qui en résultent. Ceux-là se trouvaient très heureux de se rapprocher de M. Molé, en l’isolant du cabinet doctrinaire, et en le décorant du titre de membre égaré du centre gauche. À ce titre, M. le comte Molé recueille leurs votes et jouit de leurs suffrages.

Or, après que M. Royer-Collard, en haine de M. Guizot, eut décidé M. Molé à se rendre seul devant la commission de la chambre, pour expliquer l’affaire Conseil, et quand cette discussion eut frappé à mort feu M. de Gasparin, il fut grandement question de le remplacer. Le parti doctrinaire songea à M. de Rémusat ; mais certaines considérations qu’on ne m’a pas dites, et que par conséquent j’ignore, firent écarter ce choix. M. Guizot eut beau opposer ses répugnances, ses amis, ou plutôt ses tyrans domestiques (car il a les siens tout comme M. Molé), exigèrent despotiquement qu’il fît ce sacrifice à son parti. Il vint donc trouver un matin le président du conseil, et lui fit part de sa résolution ; à quoi M. Molé n’eut rien à objecter, et se montra aussi conciliant et facile qu’il l’avait été quand M. Guizot voulait bien se charger de tous les embarras de l’affaire Conseil.

Tout allait au mieux pour le parti, si M. Jacqueminot n’était survenu ce matin-là aussi mal à propos qu’avait fait, peu de jours auparavant, M. Royer-Collard, et n’avait remontré à M. Molé que c’était