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abandonner la présidence du conseil que de livrer ostensiblement le ministère de l’intérieur à M. Guizot, mutation qui devait introduire deux ou trois sous-doctrinaires dans le conseil et dans les environs, c’est-à-dire aux postes les plus élevés du ministère. Le centre gauche ou la fraction du parti Thiers qui voulait bien appuyer M. Molé, quoique collègue de M. Guizot, ne pouvait le soutenir uniquement parce qu’il faisait partie d’un cabinet doctrinaire. On récrimina, on gronda d’une manière moins doctorale que M. Royer-Collard, mais avec une certaine brusquerie militaire qui ne permettait guère de faux-fuyans, et on termina la mercuriale à peu près comme avait fait M. Royer-Collard, en disant qu’on ne pardonnerait à M. Molé sa participation dans le cabinet doctrinaire que sous la condition qu’il en ferait sortir un jour M. Guizot. Il fallut bien céder, et opposer encore un veto aux projets de son collègue. C’est ainsi, monsieur, que M. Guizot n’est pas devenu ministre de l’intérieur, et que M. de Gasparin a été ressuscité.

De son côté, M. Guizot subit, moins volontairement encore que M. Molé, deux ou trois influences qui le gouvernent presque despotiquement. Dans les bureaux, M. de Rémusat, esprit aimable et caractère facile, il est vrai ; dans la chambre, M. Piscatory et M. Duvergier de Hauranne forment la camarilla du ministre, et défendent son influence ainsi que son autorité contre M. Royer-Collard et M. Jacqueminot, représentés dans le cabinet par M. le comte Molé. Ainsi, quand M. Molé consentit à livrer le département de l’intérieur à M. Guizot, en exigeant seulement que M. de Fondras eût la direction générale de la police, cet article de la capitulation fut rejeté par les deux personnages que je viens de nommer, qui refusèrent leur adhésion à M. Guizot, en lui rappelant que M. de Fondras serait uniquement l’homme de M. Molé, dont il possède la confiance depuis long-temps.

Au sein même du conseil des ministres, à chaque instant l’autorité et la puissance de ces ministres invisibles, absens et irresponsables, se font sentir. À chaque mesure que l’on concerte, le président du conseil se réserve, par son hésitation, la faculté de ne prononcer qu’après avoir pris l’avis de son petit conseil privé ; pour le ministre de l’instruction publique, il annonce tout simplement qu’il en référera à ses amis de la chambre. C’est ainsi qu’un