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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

ple ; et puis on se retrouvait tout aussitôt avec le contemporain très présent de M. de Tracy et de M. de Laplace. On aurait fait un intéressant chapitre, indépendamment de tout système et de tout lien, des cas psychologiques singuliers et des véritables découvertes de détail dont il semait ses leçons. J’indique en ce genre le phénomène qu’il appelait de concrétion, sur lequel on peut lire l’analyse de M. Roulin insérée dans l’Essai de classification des sciences. Je regrette que M. Roulin n’ait pas fait alors ce chapitre de miscellanées psychologiques, comme il en a fait un sur des singularités d’histoire naturelle.

À partir de 1816, la petite société philosophique qui se réunissait chez M. de Biran, avait pris plus de suite, et l’émulation s’en mêlait. On y remarquait M. Stapfer, le docteur Bertrand, Loyson, M. Cousin. Animé par les discussions fréquentes, M. Ampère était près, vers 1820, de produire une exposition de son système de philosophie, lorsque l’annonce de la découverte physique de M. OErsted le vint ravir irrésistiblement dans un autre train de pensées, d’où est sortie sa gloire. En 1829, malade et réparant sa santé à Orange, à Hières, aux tiédeurs du midi, il revint, dans les conversations avec son fils, à ses idées interrompues ; mais ce ne fut plus la métaphysique seulement, ce fut l’ensemble des connaissances humaines et son ancien projet d’universalité qu’il se remit à embrasser avec ardeur. L’Épître que lui a adressée son fils à ce sujet, et le volume de l’Essai de classification qui a paru, sont du moins ici de publics et permanens témoignages. M. Ampère, en même temps qu’il sentait la vie lui revenir encore, dut avoir, en cette saison, de pures jouissances. S’il lui fut jamais donné de ressentir un certain calme, ce dut être alors. En reportant son regard, du haut de la montagne de la vie, vers ces sciences qu’il comprenait toutes, et dont il avait agrandi l’une des plus belles, il put atteindre un moment au bonheur serein du sage et reconnaître en souriant ses domaines. Il n’est pas jusqu’aux vers latins, adressés à son fils en tête du tableau, qui n’aient dû lui retracer un peu ses souvenirs poétiques de 95, un temps plein de charme. Les anciens doutes et les combats religieux avaient cessé en lui : ses inquiétudes, du moins, étaient plus bas. Depuis des années, les chagrins intérieurs, les instincts infinis, une correspondance active avec son ancien ami le père Barret, le souffle même de la restauration, l’avaient ramené