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rapports qui vont toujours en s’éloignant. Ce tableau, s’il satisfait les yeux, satisfait aussi l’esprit ; et c’est certainement avec curiosité et avec fruit que l’on voit ainsi se dérouler la série des sciences, et toutes provenir de deux points de vue principaux, l’étude du monde et l’étude de l’homme.

Sous ces noms que M. Ampère a classés, sous ces chapitres qu’il a réunis, se trouve renfermé tout ce que l’humanité a conquis et possède de plus précieux. Là est le grand héritage de puissance et de gloire que les nations se lèguent et que les siècles accroissent. Sans doute c’est un beau spectacle que d’observer les changemens que l’homme a apportés dans le domaine terrestre ; ces villes qu’il a semées sur la surface de la terre et qui se forment, comme des ruches, à mesure que les essaims de l’espèce humaine se répandent de tous côtés, ces forêts qu’il a abattues pour se faire une place au soleil ; ces routes et ces canaux qu’il a tracés ; ces excavations profondes qu’il a creusées pour y chercher les pierres, les métaux et la houille ; cette innombrable multiplication des végétaux qui lui sont utiles, substitués au luxe sauvage des campagnes désertes, tout cela atteste la puissance du travail humain. Mais ce travail est la moindre partie de ce que l’homme a fait ; le trésor de sciences, qui s’est accumulé depuis l’origine des sociétés, est plus précieux que tout ce qu’il a fait produire à la terre, édifié à sa surface, arraché à ses entrailles. Une catastrophe dissiperait en vain tous ces ouvrages de ses mains, il saurait à l’instant refaire ce qui aurait été détruit ; sa condition n’en serait qu’un moment troublée, et peut-être même les choses nouvelles sortiraient de ses mains plus régulières et moins imparfaites. Mais s’il venait à perdre ces sciences qui lui ont tant coûté à acquérir, si son savoir, oublié soudainement, périssait avec les livres qui le renferment, rien ne compenserait pour lui une pareille perte. Rentré dans une seconde enfance, il errerait, sans pouvoir les imiter et sans même les comprendre, parmi les monumens de générations plus puissantes, comme le Troglodyte au milieu des temples splendides et des ruines gigantesques de Thèbes aux cent portes ; et il faudrait reprendre ce travail de découvertes, cet enseignement péniblement acquis dont l’origine commence, pour nous, dans les nuages de l’histoire primitive, avec la civilisation égyptienne, et qui s’étend peu à peu sous nos yeux à toutes les races et sur tous les points du globe.