essais contemporains par quelques traits détachés fort étonnés de l’encadrement où ils sont placés. Il est évident que M. Delavigne n’a pas de volonté personnelle, mais qu’il se propose pour but unique le succès, et rien de plus : il a pris la tradition comme un appui, mais non comme un autel. S’il s’efforce de copier l’alexandrin de Racine, ce n’est pas qu’il préfère les césures et les périodes d’Andromaque aux hardiesses de Nicomède ou de l’École des Femmes ; c’est qu’il connaît dès long-temps le respect de la majorité pour la périphrase et les hémistiches disciplinés, et que l’imitation de Racine lui semble une spéculation profitable. S’il dérobe çà et là quelques scènes à Shakespeare pour les mutiler, ce n’est pas qu’il ait une haute estime pour le roi de la scène anglaise ; mais il sait l’engouement de la jeunesse pour les nouveautés étrangères, et il voit dans ce larcin un assaisonnement qui piquera la curiosité. Assurément la malveillance n’entre pour rien dans l’explication que nous proposons ; cette explication nous paraît si vraie, si évidente, que nous l’énonçons avec une entière confiance. Ce n’est pas une conjecture, mais une conclusion. Nous croyons sincèrement que tous les lecteurs de bonne foi partageront notre conviction après avoir comparé M. Delavigne avec les poètes dramatiques de la France et de l’Angleterre. Nous avons donc raison d’affirmer que l’auteur de Louis XI et des Enfans d’Édouard doit la meilleure partie de sa popularité aux œuvres qu’il n’a pas faites plutôt qu’aux œuvres qu’il a signées.
M. Dumas, dont les débuts ne remontent pas au-delà de 1829 et qui pourtant semble menacé d’un prochain oubli, a du moins le mérite de s’être proposé un but net et bien défini. S’il n’a pas fait tout ce qu’il pouvait faire, s’il n’a pas tenu toutes les promesses de sa première victoire, s’il n’a entrevu que bien rarement les conditions littéraires de l’art dramatique, il faut reconnaître qu’il a voulu franchement réagir contre l’école dramatique du xviie siècle. Il a trouvé sur sa route les traditions entourées du respect de la foule, et il s’est proposé de renverser les traditions. Il a vu les spectateurs pénétrés d’une admiration religieuse pour la beauté idéale des types grecs, pour la grandeur surhumaine des types romains, et il a conçu le projet de substituer à ces types admirés un type plus voisin de la nature. S’il eût éclairé par la méditation toutes les parties de ce problème dont aujourd’hui seulement il