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bonne route, et tous ses pas portent sur un terrain solide, tandis qu’en Allemagne il y a aujourd’hui beaucoup d’écoliers qui se croient des maîtres, pour se précipiter d’abord dans des hypothèses à perte de vue. Fût-elle un peu moins haute, je préfère une philosophie plus humaine.

M. Van Heusde m’a parlé avec beaucoup d’estime de son collègue M. Schrœder, qui professe aussi la philosophie à l’université d’Utrecht. Il était d’abord kantien rigide ; mais en faisant connaissance, dans la compagnie de M. Van Heusde, avec Socrate et Platon, il a peu à peu sacrifié aux Graces, et pris une manière de voir plus large et plus éclectique[1]. « Je suis éclectique aussi, » me disait M. Van Heusde ; et je ne crois pas qu’en cela il ne fît qu’un acte de politesse envers moi. Mais je ne finirais pas, si je voulais ici raconter mes conversations avec M. Van Heusde. Pendant les trois jours que j’ai passés à Utrecht, nous ne nous sommes presque pas quittés. Il a voulu m’accompagner lui-même à l’École latine, à l’Université, et même dans une petite course à Zeist chez les frères Moraves, dont l’institut est une fabrique ou plutôt une maison de commerce très bien tenue. Je suis allé déjeuner chez lui dans une charmante maison de campagne, où il passe la moitié de l’année entouré d’une nombreuse famille ; et de là nous sommes allés rendre visite à M. le baron de Capelle, ancien gouverneur des Indes-Occidentales, qui en a rapporté une riche collection javanaise, dont il fait les honneurs avec une grace parfaite.

J’aurais bien voulu rester plus long-temps à Utrecht pour y resserrer et y goûter la nouvelle amitié que j’y formais ; mais il fallait poursuivre mon voyage, et visiter sérieusement l’université de Leyde et les savans hommes qu’elle compte dans son sein, et que j’avais à peine entrevus à mon premier passage, en allant de La Haye à Harlem. Le 24 septembre, vers le soir, je montai donc en voiture pour Leyde, où j’arrivai en quelques heures.


V. Cousin.
  1. M. Schrœder ne parle pas français, et il n’a écrit qu’en hollandais. Le dernier volume des Mémoires de l’Institut des Pays-Bas contient, de M. Schrœder, un long mémoire Sur la Vérité des connaissances humaines.