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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/502

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REVUE DES DEUX MONDES.

La chambre, qui fait ainsi vivre le ministère, ne vivra pas long-temps, et les élections occupent déjà très activement M. Guizot et ses amis. Il s’agit de consolider pour de longues années la puissance du parti, et de le soustraire enfin à cette nécessité qu’il s’impose si prudemment, et bien malgré lui, de se donner un chef apparent pris dans d’autres rangs que les siens. On ne peut s’empêcher de se dire qu’il y a de certains jours, rares il est vrai, où M. Molé est un président incommode, et que si les élections étaient faites par M. Guizot, M. Duvergier de Hauranne et M. de Rémusat, elles amèneraient sans doute la chance de se débarrasser de lui. De là un surcroît d’activité qui n’est pas malhabile. D’abord, à la chambre, on a glissé sans bruit une certaine quantité de petits projets de loi, parfaitement inoffensifs, qui seront bientôt suivis d’un grand nombre d’autres, le tout pour l’avantage et l’amélioration de la France, comme vous n’en doutez pas. Il s’agit tout simplement de routes et de communications. Ces projets concernent quelques départemens dont les électeurs sont encore indécis. Là c’est une commune dont la route a pris assez d’importance pour devenir, à l’aide du ministère, une route de département dont le conseil général, et non plus la commune, voterait les frais d’entretien. On sent bien que l’heureuse commune, dont le budget va se trouver ainsi allégé, n’aura rien à refuser au pouvoir, et que sa route, élevée à la dignité de route de département, servira à conduire au collége électoral des électeurs tout dévoués aux doctrinaires, car M. de Gasparin est trop modeste et trop bien appris pour laisser ignorer aux électeurs que c’est à M. Guizot et à M. de Rémusat qu’ils doivent ces bienfaits. D’autres projets de loi, présentés à la chambre, confèrent le grade de route royale à des routes départementales, et allègent ainsi les budgets de département aux dépens de l’état. Ici la séduction se fait plus en grand ; et c’est un département tout entier qui se trouvera engagé, on l’espère, à venir témoigner sa reconnaissance au ministère. Quant aux fonds, on les prendra sur la réserve de l’amortissement que M. Duchâtel veut affecter aux travaux publics, attendu que l’état prospère et la sécurité que le ministère a procurés à la France, ont éloigné pour jamais l’apparence même d’une crise commerciale, d’une guerre, d’une baisse de crédit, et de toutes les calamités que le fonds d’amortissement était destiné à atténuer ou à prévenir. Il y a quelques années,