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tardé à rencontrer de vigoureux contradicteurs dans la sphère la plus élevée. Jeudi dernier, à l’hôtel de la présidence, M. le duc d’Orléans a brillamment combattu l’avis de M. Dupin ; il a montré sur quelles larges bases il entendait l’occupation de l’Afrique par les armes et la civilisation de la France. Les nobles et vives paroles du prince ont produit sur l’assemblée une impression profonde ; il y avait, dans cette manière d’envisager l’Afrique, de l’homme d’état et de l’homme de guerre. L’abandon d’Alger est, au reste, une lâcheté chimérique à laquelle on n’arrivera jamais, et il y a de la justesse dans ce propos d’un diplomate qui disait : Vous n’aurez pas de dix ans un gouvernement assez fort pour abandonner Alger, car, en abandonnant Alger, vous auriez à reprendre les frontières du Rhin. Il est déplorable que l’esprit politique soit si peu répandu même chez les hommes qui ont mission officielle de s’occuper des affaires publiques, qu’il n’y ait pas unanimité à considérer Alger comme une arène nécessaire à nos soldats, comme une station nécessaire à nos flottes, comme un débouché à la surabondance de notre population et de notre activité intérieure. Si des fautes ont été commises, il faut les punir ; mais il serait insensé d’envelopper la colonie dans une fâcheuse solidarité. À ce propos, il nous semble que M. le maréchal Clausel montre une singulière patience à attendre le moment d’une explication publique et parlementaire sur ses actes et sa gestion. C’est trop de résignation et d’apathie. M. le maréchal devrait attacher plus de prix à instruire sur-le-champ l’opinion ; ne lui a-t-on pas offert dans les rangs de l’opposition de provoquer en son nom une explication immédiate ? C’était son droit ; c’est son devoir. M. Clausel a préféré passer son temps à visiter les ministères et les bureaux, à quêter la promesse du commandement de la nouvelle expédition. Jusqu’à présent on l’a leurré, on s’est attaché à le tenir en suspens sans rien refuser ni promettre ; mais aujourd’hui il ne saurait se flatter de ramener nos soldats sous les murs de Constantine. Le choix de son successeur comme gouverneur-général, choix qu’il ne peut ignorer, doit lui faire pressentir une disgrace complète.

Au sujet du gouvernement d’Alger, il avait passé dans quelques hautes têtes de la doctrine une imagination toute poétique qui leur paraissait le chef-d’œuvre du machiavélisme. On avait songé à proposer à M. Thiers la vice-royauté d’Alger, avec la perspective d’une gloire immense et le surnom d’africain à conquérir. À ces insinuations, l’ancien ministre des affaires étrangères demanda si les doctrinaires, qui se montraient si généreux, pouvaient garantir pour eux-mêmes la durée de leur propre pouvoir ; s’ils avaient cinq ans de ministère assurés, s’ils pouvaient promettre à leur vice-roi cinquante mille hommes et quarante millions à dépenser par an. La réponse a coupé court aux propositions. M. Thiers avertit