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les autres individus de même espèce qui avaient été précédemment amenés en Europe ; cependant il a vécu moins que la plupart d’entre eux. Au reste, son séjour à la ménagerie, quoique fort court, puisque six mois à peine se sont écoulés entre l’époque de son arrivée et celle de sa mort, n’aura pas été sans profit pour la science. Pendant sa vie et après sa mort, l’animal a été pour plusieurs savans l’objet d’une étude attentive, et il est impossible que leurs travaux n’aient pas pour résultat d’étendre ou de rectifier nos idées relativement à l’organisation, aux habitudes, aux penchans et à l’intelligence de ces grands quadrumanes.

Les résultats de ces différentes recherches ne tarderont pas sans doute à être rendus publics ; en attendant que nous y puissions puiser, pour présenter aux lecteurs de la Revue les faits qui seront de nature à intéresser généralement, nous croyons utile de retracer l’histoire des travaux antérieurs relatifs au même sujet ; ce sera une occasion de rendre justice à quelques hommes dont les efforts ne nous paraissent pas avoir été suffisamment appréciés en France.

Si on ne veut y faire entrer que des notions positives, cette histoire ne remonte pas fort loin, et nous ne trouvons presque rien à prendre dans les écrits des naturalistes anciens. On a prétendu, il est vrai, que Galien avait disséqué des orangs ; mais il est aujourd’hui suffisamment prouvé que l’espèce de singes qui lui a servi pour ses beaux travaux anatomiques n’est autre que le magot. Ce n’est pas à dire, pourtant, que les grandes espèces, dont l’organisation se rapproche le plus de celle de l’homme, fussent entièrement inconnues à l’époque où écrivait le médecin de Pergame ; ainsi il paraît bien qu’on doit voir des chimpanzés dans ces gorilles que trouvèrent les Carthaginois lorsqu’ils s’avancèrent vers les parties tropicales de la côte africaine, et des gibbons dans ces satyres dont Pline nous parle comme d’animaux habitant les montagnes de l’orient de l’Inde ; les Romains même ont pu, dès cette époque, entendre parler des orangs de Bornéo, puisque leurs premières relations avec les îles de l’Archipel indien remontent jusqu’au commencement de l’ère chrétienne. Mais tous ces renseignemens étaient ou très vagues ou très suspects. Les gorilles avaient été prises pour des femmes sauvages, et les satyres étaient décrits par Pline dans le même chapitre que les monosce-