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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/718

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REVUE DES DEUX MONDES.

de service au château, contre le duc d’Aumont, commandant de cette division, et contre le commandant-général.

Il se rendit à l’Hôtel-de-Ville, suivi de cette foule, et en trouva sur la place de Grève une plus nombreuse encore qui tenait M. d’Aumont. Lafayette le dégagea de leurs mains. Entouré de tout ce monde, il débuta par une plaisanterie en disant que chaque citoyen gagnait vingt sous de rente par la suppression de la liste civile ; mais de nouveaux groupes s’étant présentés, il les harangua plus sérieusement.

Nous trouvons dans Toulougeon le récit d’un témoin oculaire que les deux initiales B. P. désignent comme un membre très distingué de l’assemblée constituante[1].

La fureur du peuple contre Lafayette était extrême, et la longue et entière confiance qu’il avait en ce général était seule capable d’arrêter les premiers transports de cette violence. Il s’apaisa quand il vit la tranquillité avec laquelle Lafayette s’avançait sans escorte, au milieu d’une foule prodigieuse assemblée devant l’Hôtel-de-Ville. Cependant l’inquiétude était encore peinte sur tous les visages. Quelques lamentations sur le malheur qui venait d’arriver, et qui semblaient interpeller Lafayette, lui fournirent l’occasion de dire à ceux qui se désolaient : « Que s’ils appelaient cet évènement un malheur, il voudrait bien savoir quel nom ils donneraient à une contre-révolution qui les priverait de la liberté ? »

En même temps, l’assemblée constituante s’était réunie et n’avait jamais été plus belle. Un membre[2] ayant exprimé quelques soupçons sur Lafayette, Barnave, qui avait été jusque-là dans une section du parti populaire différente de la sienne, déclara des sentimens de haute estime pour le commandant-général et la nécessité de se rallier à lui ; ce mouvement généreux fut justement applaudi. Sur le bruit des dangers que Lafayette courait, l’assemblée envoya une députation de commissaires pris dans son sein pour l’appeler auprès d’elle ; mais ils le trouvèrent à l’Hôtel-de-

  1. M. Bureaux de Pusy, compagnon de captivité du général Lafayette à Olmütz, mort préfet à Gênes, en 1806.
  2. Rewbell, plus tard membre de la convention et ensuite du directoire. — « J’arrête l’opinant, lui répondit Barnave, sur ce qu’il a paru vouloir dire. M. de Lafayette, depuis le commencement de la révolution, a montré les vues et la conduite d’un bon citoyen ; il mérite la confiance, il l’a obtenue ; il importe à la nation qu’il la conserve. »