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MÉMOIRES DE LAFAYETTE.

Ville, aussi en faveur que jamais, et il répondit à leur demande d’une escorte pour se rendre ensemble auprès des représentans de la nation : J’en commanderai une par respect pour la députation ; quant à moi, j’irai de mon côté, n’ayant jamais été si en sûreté ; puisque les rues sont pleines de peuple. On juge bien que l’escorte ne fut pas acceptée.

Arrivé à l’assemblée, Lafayette ignorait encore ce qui s’était passé pour l’évasion. Il dit à la tribune ce peu de mots :

« L’assemblée nationale a été instruite de l’attentat que les ennemis publics, dans l’abusive espérance de compromettre la liberté française, ont exécuté, la nuit dernière, envers le roi et une partie de sa famille. M. le maire a pensé qu’il convenait que M. de Gouvion, chargé de la garde intérieure des Tuileries, vous rendît compte des circonstances de cet évènement. Je dirai seulement, si l’assemblée veut l’admettre à la barre, que je prends sur moi seul la responsabilité d’un officier dont le patriotisme et le zèle me sont connus.
« … M. Duport[1] a rendu compte à l’assemblée des dispositions dans lesquelles il a trouvé le peuple dans la capitale ; qu’il me soit permis d’ajouter que celles que la garde nationale a montrées dans cette occasion, ont été pour moi la plus grande preuve de toutes, que le peuple français était digne de la liberté, et que rien ne pourra l’en priver. »

On sait combien l’assemblée fut grande et calme dans cette circonstance critique. Elle prit avec dignité et fermeté toutes les mesures convenables ; elle donna des ordres pareils à celui qui avait déjà été expédié sur toutes les routes ; son décret fut confié à M. Romeuf, aide-de-camp du commandant-général, que le peuple avait arrêté à la barrière au moment où, avec le commandant de bataillon Bâillon, il portait le premier ordre d’arrestation[2].

  1. M. Duport venait de faire un rapport au nom des commissaires envoyés par l’assemblée à l’Hôtel-de-Ville.
  2. Louis Romeuf reçut l’ordre de partir pour Valenciennes à huit heures du matin, chez M. Bailly où se trouvait le président de l’assemblée avec Lafayette ; il fut arrêté en partant et entraîné par la multitude à l’assemblée nationale. Là, il rendit compte de ce qui venait de lui arriver, et communiqua l’ordre de son général. L’assemblée l’approuva, le chargea de plus d’un décret ordonnant à toutes les municipalités de ne rien laisser sortir du royaume. Le retard qu’éprouva Romeuf par la violence du peuple, ne lui permit pas de partir avant midi ; encore fallut-il que l’assemblée le fît accompagner par deux députés pour assurer son passage jusqu’à la barrière où ils se rendirent à pied. À la porte Saint-Denis, on leur assura que le roi était arrêté à Meaux, qu’il y était fort menacé, et que sa vie était en danger. Ce bruit était accompagné de circonstances qui lui