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NANTES.

couvertes de fleurs, d’arbustes. On a remarqué que les fous les plus furieux, qui démolissent les murs et tordent les barreaux de fer, respectaient la plus fragile fleur. Dans la folie, on est toujours homme ; on ne hait que ce qui est fort, on ne brise que ce qui résiste.

En quittant Saint-Jacques, je jetai un dernier coup d’œil sur l’immense hospice ; mais ses façades somptueuses ne me frappèrent plus : quelque beau que fût le corps, maintenant je connaissais l’ame, et l’ame était plus belle. Il me sembla que je venais de voir l’ébauche d’une de ces grandes retraites que les sociétés sauront fonder un jour, prytanées ou phalanstères érigés sous l’inspiration d’une civilisation plus morale et d’une association plus intime.

IV.
Essais philantropiques à Nantes. — Société maternelle. — Salles d’asile. — Société industrielle. — Abandon des idées politiques.

Nantes est peut-être, depuis 1830, la ville de France où le système municipal a le mieux réussi ; on peut, à cet égard, la citer comme une ville modèle. L’autorité nouvelle, qui avait trouvé la commune obérée par les infructueuses prodigalités de la restauration, a su non-seulement faire face à ces embarras, mais elle a réalisé d’immenses améliorations. Tout cela s’est accompli sans proclamations, sans faste, avec cette modestie silencieuse des hommes qui font le bien pour le bien, non pour le bruit.

En prenant possession du pouvoir, les nouveaux administrateurs s’étaient seulement annoncés comme des hommes pratiques, et l’on avait craint d’abord qu’ils ne montrassent une tendance purement utilitaire ; les faits ont prouvé bientôt que l’on s’était trompé, et que la commune, après avoir été une espèce de surintendance de l’ancien régime, ne serait point transformée en comptoir de marchands. Ainsi, en même temps qu’ils fondaient l’hospice de Saint-Jacques, les salles d’asile, un collége industriel et un musée commercial, ils augmentaient les collections de tableaux, favorisaient des expositions locales, établissaient un nouveau théâtre, et accueillaient la proposition qui leur était faite de créer un musée breton, consacré aux objets d’art et aux antiquités de la province.