Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/776

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
770
REVUE DES DEUX MONDES.

ture inquiète et jalouse ne manquera pas de les solliciter ; ils voudront, quoi qu’il leur en coûte, prouver qu’ils peuvent se soutenir par leurs propres forces ; et qui sait ? cet état désespéré viendra peut-être éveiller en eux des qualités essentielles qui, dans la confiance oisive où les tenait l’initiative du maître, ne se seraient sans doute jamais révélées. Voilà de quelle façon la retraite de Nourrit pourra bien ne pas nuire à l’avenir de l’Opéra. D’ailleurs le plus grand chanteur de l’Italie, depuis que Rubini est en France, Dupré, arrive pour le remplacer ; on engagera tôt ou tard une nouvelle prima donna, madame Stoltz, si elle est capable de tenir cet emploi, ou toute autre, et ce que la troupe de l’Opéra aura perdu en harmonie et en ensemble, elle le regagnera en indépendance et en originalité.

Le Théâtre-Italien s’amuse de temps en temps à méditer revers et pièces tombées qui viendraient rompre pour quelques jours la monotonie de sa fortune ; or, comme il désespère de se donner ce plaisir en ne jouant que les chefs-d’œuvre de son répertoire, il appelle à lui par intervalles des musiciens nouveaux qui s’empressent de lui composer des partitions très propres à l’usage qu’il veut en faire. Voilà ce qui nous a valu sans doute la mise en scène de Malek-Adel et d’Ildegonda, deux partitions, l’une du maestro Costa, l’autre du maestro Marliani. Rien n’est plus inoffensif que cette musique dont il serait puéril de vouloir entreprendre l’analyse. Il y a là bon nombre de cabalettes de toute espèce et pour toutes les voix. Les cabalettes héroïques s’annoncent vaillamment par un solo de trompette à clé ; les cabalettes mélancoliques, moins ambitieuses, se contentent du hautbois pastoral ; c’est là du reste tout ce qui les distingue entre elles. La variété des instrumens tient lieu de toute expression musicale. M. Costa semble se rattacher à Donizetti ; M. Marliani inclinerait plutôt vers Bellini ; cependant nous pensons qu’il faut attendre ces deux maîtres à quelque nouvelle épreuve pour se prononcer dignement sur ce fait. Jusqu’à présent il serait difficile de découvrir dans leur musique des traces d’un système quelconque.

C’est un spectacle des plus curieux de voir avec quelles imprécations furibondes la critique humanitaire fond sur ces pauvres innocentes partitions, qui ne demandaient que deux choses, le silence et l’oubli. À l’entendre, il faut désespérer de l’art parce que M. Costa a fait une cavatine, et que Rubini l’a chantée. À la moindre roulade tous les missionnaires de l’art pur fulminent et rugissent. En voilà un qui embouche aujourd’hui la trompette comme s’il s’agissait de faire tomber les murailles de Jéricho, et cela au sujet de deux malheureuses partitions qui sont déjà par terre.

Le Théâtre-Italien a repris Mose, l’un des plus beaux rôles de La-