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REVUE MUSICALE.

blache, et prépare pour l’éclat de ses derniers jours la Semiramide, où Mlle Pixis chantera la partie d’Arsace. On peut dire que c’est bien mériter du public que de clore ainsi la saison par les deux plus imposans chefs-d’œuvre du grand maître. Voilà pourtant qui réhabiliterait, nous n’en doutons pas, le Théâtre-Italien aux yeux de la critique humanitaire, si Rossini lui-même n’était exclu pour jamais du cercle de ses admirations.


M. Liszt a donné quatre soirées en l’honneur des sonates et des concertos de Beethoven. Le public intelligent et capable de se recueillir était accouru là de toutes parts pour apprendre quelque chose encore sur ce génie immense qui a mis au monde les symphonies, et continuer cette initiation profonde, qui se poursuit chaque année au conservatoire avec tant de talent et de générosité d’un côté, de l’autre avec tant de zèle et de persévérance. En effet, faute d’interprètes, faute aussi de sanctuaire, on avait ignoré jusqu’à ce jour les compositions moindres de Beethoven, la plupart chefs-d’œuvre de pensée et de beau style, qui, pour être plus intimes, n’en méritent pas moins l’admiration de tous. On ne peut que louer M. Liszt d’avoir complété de la sorte la noble entreprise du Conservatoire. Du reste, le programme avait toujours de quoi vivement émouvoir l’intérêt. Tantôt c’était Nourrit qui chantait avec un enthousiasme sacré les Astres, cet hymne magnifique de Schubert, cette voix d’une ame enivrée des merveilles de la création, qui tout à coup sort de son extase, pousse un cri sublime, et presque aussitôt y retombe, comme ravie d’avoir jeté un son dans l’harmonie universelle ; tantôt c’était M. Liszt qui jouait avec sa fougue et son entraînement accoutumés quelque sonate de Beethoven. Certes M. Liszt est un musicien énergique et puissant, et personne plus que nous n’admire sa manière impétueuse et brillante, quand toutefois sa verve veut bien se donner champ dans les limites de l’art, et ne dégénère pas en un délire qui va jusqu’à la frénésie, oubliant le style et la mesure. Mais pourquoi toute cette pantomime bizarre, qui semble chercher à traduire l’expression de la musique ? Vous avez le son, qui parle aux ames, pourquoi ces gestes, qui ne s’adressent qu’aux yeux ? pourquoi cette chevelure flottante, qui revient à tout moment, comme pour donner à la tête l’occasion de se relever fièrement, à la manière d’un lion qui secoue sa crinière ? pourquoi tous ces souvenirs du Kreissler d’Hoffmann ? qu’est-il besoin de suivre ainsi toutes les ondulations de la musique ? Un homme n’est pas un épi de blé, pour se plier au moindre vent qui ride la surface du clavier.

Thalberg en agit autrement : il demeure immobile à son piano ; et tandis que le clavier rend sous sa main des sons dont il a seul le se-