Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
ACADÉMIE FRANÇAISE.

à sa réputation d’historien la place qu’il occupe au conseil ; il est tout simple qu’il estime l’histoire comme une science souveraine, et qu’il traite avec dédain les sciences qui ne sont pas l’histoire, qu’il attribue aux questions qui ne sont pas historiques, dans le sens politique du mot, une valeur indigne de son intelligence. Il a tort sans doute, mais ce tort est facile à concevoir. Or, la langue de l’histoire n’est pas celle de la philosophie ; les paroles qui suffisent à exprimer les faits ne suffisent pas toujours à exprimer les idées ; et, comme la langue de toutes les sciences joue un rôle important dans l’exposition, aussi bien que dans la recherche de la vérité, ignorer la langue d’une science est à peu près la même chose qu’ignorer cette science elle-même, et M. Guizot ignore la langue de la philosophie. S’il eût connu la langue propre aux idées dont il parlait, il se fût aperçu bien vite qu’il ne connaissait pas ces idées ; plus clairvoyant, il eût été plus modeste. A-t-il compté sur l’ignorance de son auditoire ? Nous ne lui ferons pas l’injure de le penser, car il sait que les études philosophiques, sans avoir la même popularité que les études chimiques ou physiologiques, ne sont cependant pas abandonnées. Non, il s’est trompé en toute sécurité, parce qu’il connaît l’admiration de la foule pour les hommes revêtus du pouvoir. Or, l’admiration dispense de l’attention.

Mais le véritable but, le véritable sujet du discours de M. Guizot, c’est l’éloge du xixe siècle ; la biographie de M. de Tracy racontée avec une complaisance apparente, et le jugement porté par l’orateur sur la révolution française, ne sont, à proprement parler, que les prémisses d’un hardi syllogisme, facile à découvrir, il est vrai, dès que le discours du récipiendaire est soumis à l’analyse, mais cependant assez habilement masqué pour ne pas blesser l’orgueil de l’auditoire. M. Guizot, en louant avec une indulgence assez tiède le philosophe qu’il est appelé à remplacer, en insistant avec une modération perfide sur les fautes, peut-être inévitables, du xviiie siècle, ne voulait que préparer le panégyrique de son temps, et arriver à l’apothéose de la raison. Cette conclusion n’a rien d’imprévu ni de singulier dans la bouche de M. Guizot ; car c’est le résumé fidèle de toutes les harangues prononcées par le récipiendaire depuis six ans dans une autre enceinte. À la tribune de la chambre, comme devant le pupitre de l’Académie,