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REVUE. — CHRONIQUE.

la commission de l’adresse ; et, malgré ce revirement, M. Chaix-d’Est-Ange l’aurait certainement emporté, si M. Glais-Bizoin, un de ces hommes qui n’apprennent et n’oublient rien, n’avait demandé de prime abord, avec toute l’intempérance de langage qu’on lui connaît, l’abrogation des lois de septembre. À ne consulter que les antécédens de ses membres, la commission de l’adresse sera partagée, pour le choix du rédacteur, en deux fractions égales : MM. Dufaure, Étienne, Passy, Dupin et Boissy-d’Anglas d’un côté ; MM. Saint-Marc Girardin, de Belleyme, Bernard de Rennes, Bérigny et Jacqueminot de l’autre. Ce sera au ministère de faire pencher la balance, par l’action qu’on lui suppose sur M. Boissy-d’Anglas.

Le gouvernement anglais s’est décidé à frapper un coup vigoureux dans le Canada. Il a donné l’ordre d’y arrêter les principaux chefs des mécontens ou du parti français, qui, dans la dernière session du parlement provincial, s’étaient distingués par leur animosité contre l’administration coloniale, et qui depuis avaient organisé toutes ces réunions des comtés, où l’on avait menacé l’Angleterre d’une insurrection générale. En conséquence, des arrestations nombreuses ont été faites à Québec et à Montréal, sous la prévention du crime de haute trahison ; le peu de troupes qui occupaient la province du Haut-Canada, dont le gouvernement se croit sûr, ont été concentrées dans la province inférieure, et des régimens se sont mis en marche du Nouveau-Brunswick pour la même destination. Mais le nombre des troupes anglaises, à Québec et à Montréal serait encore insuffisant, malgré toutes ces mesures, si la population se soulevait en masse, et si les forces de la métropole n’étaient soutenues par quelques corps de volontaires, recrutés parmi les Canadiens d’origine anglaise.

Quoique les ordres d’arrestations aient été exécutés à l’improviste, les plus dangereux meneurs du parti de l’indépendance canadienne ont échappé aux magistrats anglais chargés de cette mission. Ainsi le docteur Cote et M. Papineau n’avaient pu être saisis, et c’est pour s’emparer de leurs personnes qu’ont été tentées à la fin du mois de novembre deux expéditions simultanées dirigées, l’une contre Saint-Denis, par le colonel Gore, et l’autre contre Saint-Charles, par le lientenant-colonel Wetherall. On savait que ces deux villages servaient de point de ralliement aux insurgés, qui s’y étaient fortifiés et rassemblés en grand nombre. De plus, tout le pays était en armes et les patriotes avaient détruit plusieurs ponts sur les routes qui y conduisent. Arrivés, non sans d’immenses difficultés, à cause de l’affreux état des chemins, à une portée de fusil des deux villages qui étaient le but de leur expédition, les deux commandans anglais trouvèrent les patriotes retranchés derrière des barricades et autres ouvrages de défense élevés à la hâte, mais néanmoins assez forts. Le lieutenant-colonel Wetherall en triompha cependant et détruisit le village de Saint-Charles, où il fit quelques prisonniers, et où les insurgés perdirent beaucoup de monde. Le colonel Gore fut moins heureux ; ses troupes, épuisées et à moitié mortes de froid (une forte gelée avait succédé soudain à la pluie), après avoir inutilement attaqué un grand bâtiment en pierre, qui défendait l’entrée du village et sur lequel on lança en vain une soixantaine de boulets, se retirèrent en assez bon ordre, pour ne pas être coupés sur les derrières, et se replièrent sur le point d’où elles étaient parties. Mais il fallut enclouer l’obusier qui retardait le mouvement de retraite.

Les communications entre Montréal et les comtés du nord sont souvent interceptées. Le lieutenant-colonel Wetherall ayant, après la prise de Saint-