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LETTRES SUR L’ÉGYPTE.

ment les Arabes du désert[1]. Après deux heures de marche, les collines s’abaissent, et on longe une série de dunes de sable situées au nord. On les appelle El-Dama. Ces sables sont poussés et amoncelés là par les vents du sud, par les kamsins. Ils paraissent mobiles. La nuit nous ayant surpris en cet endroit, nous nous détournâmes de la route, et nous allâmes nous coucher contre les dunes, dont le sable nous offrait un lit assez mou. Nous dormîmes enveloppés de nos couvertures, ayant le ciel étoilé pour pavillon, et nos quatre dromadaires pour remparts. — En établissant le chemin de fer dans cette direction, on n’aurait rien à craindre de ces dunes dont la situation au nord de la ligne ne permettrait pas que les sables fussent poussés sur elle par les vents du midi, les seuls qui les soulèvent. Les sables chassés par le kamsin passeraient au-delà de la ligne, et iraient s’agglomérer contre les dunes car ils ne s’arrêtent que là où ils trouvent un point de résistance.

La veille, au soir, nous avions suivi les dunes pendant deux heures environ ; le lendemain, au matin, nous les suivîmes encore pendant une heure, puis nous passâmes au lieu nommé El-Bab. C’est une roche calcaire qui traverse la route du sud au nord et qui est coupée naturellement en cet endroit. Là le sol est moins sablonneux, et on commence à y apercevoir des graviers et des cailloux roulés. Sur ce point il y aurait à faire quelques travaux de déblai, afin de niveler le sol. Après avoir passé cette espèce de gorge fort courte, on entre dans une autre plaine dont le terrain est plus solide, et où l’on aperçoit, dans de légers enfoncemens (vallons en germe qui courent du sud au nord, selon la pente des eaux pluviales), des rudimens de végétation, des herbes, des plantes grasses, des broussailles épineuses. Aux endroits plus élevés, on voit une quantité considérable de graviers, de cailloux, de jaspe veiné, de silex : la surface du sol en est comme parsemée. Il y a aussi quelques pétrifications de palmiers.

Après quatre heures de marche on trouve, sur la route, un arbuste épineux nommé El-Hamra (c’est le mimosa nilotica). Au bout d’une heure, on rencontre un puits creusé dans le roc, mais qui est sans eau. Il est situé à un quart d’heure de la route, au sud : aux environs se trouve un tombeau de cheyk. La route prend ici le nom de Darb-el-Homar, et on voit un autre mimosa nilotica, taillé en forme d’arbre, de six à sept pieds de hauteur. C’est véritablement le seul arbre qui existe entre le Kaire et Suez, le seul qui donne un peu d’ombre. Les Arabes disent qu’il partage la route en deux parties égales. À six heures de distance de cet arbre la plaine se rétrécit, les montagnes du sud s’élèvent, celles du nord s’abaissent vers le nord-ouest. On passe à côté de collines abruptes, et que l’on dirait démolies par le marteau de l’homme. Nous couchâmes près d’une de ces collines, en nous détournant un peu de la route. Il y aurait là divers remblais à exécuter, le sol offrant quelques dépressions,

  1. Cette route se nomme Darb-el-Tarabin ; nous l’avons prise au retour. Elle est plus inégale que l’autre, plus montueuse, et moins propre à un chemin de fer.