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songent pas à la juger avec la même sévérité que la gravure au burin. Le ciel des Sources de Royat réfute victorieusement cette opinion ; car je ne crois pas que le burin le plus habile puisse traiter la même donnée avec plus de franchise et de simplicité. Ce morceau réunit les deux genres de mérite que j’indiquais tout à l’heure. Abstraction faite du procédé, il est digne du suffrage des juges les plus éclairés ; et le procédé auquel nous devons ce morceau, hérissé de difficultés sans nombre, assure à l’auteur l’admiration de tous les hommes du métier. Quand on songe à l’infinie variété de calculs et de tâtonnemens que l’auteur a dû s’imposer avant d’arriver à la transparence, à la légèreté qui nous charme dans le ciel des Sources de Royat, il est impossible de ne pas voir dans ce morceau un chef-d’œuvre de patience aussi bien que d’habileté. Si toutes les parties de cette gravure étaient traitées avec la même perfection, M. Huet serait dès à présent un maître consommé. Toutefois, ce qui manque aux autres parties de cet ouvrage se compose de qualités que l’auteur est sûr d’acquérir dès qu’il le voudra résolument.

Je dirai de l’eau des sources ce que j’ai dit des arbres et du ciel. Elle se déroule et se joue en nappes transparentes, et ne laisse rien à désirer sous le rapport de la légèreté. L’œil le plus difficile à contenter est forcé de reconnaître que M. Huet, en luttant courageusement avec son modèle, a fait tout ce qu’il était possible de faire. Le burin le plus délié n’irait pas au-delà. Certes, c’est pour l’eau forte un beau triomphe que d’avoir traité l’eau avec la même fraîcheur, la même délicatesse, la même vérité que le burin ; car le burin a des ressources que l’eau forte ne possède pas. Le burin, quoique sobre de ratures, peut cependant se permettre d’effacer les tailles qui nuisent à l’effet d’un morceau et les remplacer par des tailles nouvelles ; la gravure à l’eau forte ne peut, sans danger, jouer le même jeu ; car l’instrument qu’elle emploie ne relève pas aussi directement de la volonté, et n’arrive pas à des résultats aussi constamment comparables. Nous devons donc savoir gré à M. Huet d’avoir donné à l’eau des Sources de Royat la légèreté que nous admirons ; car ce morceau présentait d’immenses difficultés, et pour les vaincre il a fallu combiner la patience et l’habileté.

Quant aux maisons, je ne saurais les approuver sans réserve. Celles du second plan, placées à gauche du spectateur, sont très supérieures à celles du troisième plan, placées au fond, vers la droite. Cependant, quoique le travail des maisons du second plan ne manque ni de richesse ni de vérité, je ne le trouve pas assez solide. La lumière est habilement distribuée sur ces morceaux, mais la pâte même des murailles ne se distingue pas assez nettement du ciel et des eaux. S’il s’agissait d’un ouvrage moins sérieux, je m’abstiendrais d’articuler ce reproche ; mais les Sources de Royat attestent chez l’auteur une intelligence si complète de la tâche qu’il s’est proposée, que je n’hésite pas à le juger avec une sévérité absolue. Je ne puis dissimuler le regret que j’éprouve en voyant la partie claire des maisons du second plan presque aussi transparante que l’eau des sources, et la partie sombre de ces morceaux