velle, c’est que ce dogmatisme n’est point achevé, c’est qu’il est une œuvre d’hier, une œuvre d’aujourd’hui, qui n’est point faite, et qu’il serait téméraire de juger, d’exposer même, à moins de s’en porter le défenseur ou le promoteur personnel. Tout ce qu’il convient de dire ici, c’est que le dogmatisme nouveau, qui chaque jour encore s’étend et s’élabore, est, avant tout, spiritualiste. C’est un mot bien grave que je viens de prononcer là, messieurs : si le dogmatisme de l’école nouvelle est spiritualiste, et qu’elle soit sortie, comme le fait est incontestable, d’une réaction, il s’ensuit que la philosophie antérieure n’était pas spiritualiste. Il s’ensuit que la philosophie antérieure a nié l’existence de l’esprit, et avec elle toutes les conséquences qu’elle entraîne invinciblement. C’était là du moins que la logique conduisait le sensualisme : mais heureusement que les lois inflexibles de la logique, si la raison de l’homme les découvre et les classe, ne règlent pas toujours ses actions. Heureusement que nous sommes inconséquens à notre propre pensée, parce qu’une pensée supérieure à la nôtre nous conduit et nous sauve à notre insu. Quoiqu’on l’ait souvent répété, le sensualisme proprement dit n’a pas nié les conséquences spiritualistes sans lesquelles l’humanité ne saurait vivre : le sensualisme n’a pas nié l’immortalité de l’ame et de l’existence de Dieu.
Mais, s’il n’a pas prétendu détruire cette idée suprême, cette idée impérissable, puisqu’elle a pu vivre et se produire au sein même de nos convulsions révolutionnaires, il l’a du moins ébranlée, il l’a du moins obscurcie, ne faisant encore en cela que suivre ces lois éternelles de notre développement qui, à certaines époques, à des temps donnés, et l’on pourrait presque dire périodiques, viennent voiler les antiques croyances pour les abolir et les renouveler. Le sensualisme a ébranlé la foi du genre humain. Il ne l’a pas voulu sans doute ; car sa devise constante, avouée, sincère, était le bien de l’humanité, et la philosophie du xviiie siècle n’en adopta jamais d’autre. Mais que chacun de nous s’interroge, et qu’il dise si, dans ce temps d’incertitude, de confusion et de doute, il n’a pas senti chanceler en lui ce fondement unique de toute existence, de toute pensée ; qu’il dise si, dans notre âge de transition et de scepticisme, il n’a pas souvent appelé à son aide l’appui d’une foi qu’il ne trouvait ni dans son propre cœur, où la tradition ne l’a point mise, ni dans la société, où les débris en sont aujourd’hui si rares et si dispersés. Eh bien ! le spiritualisme nouveau est venu rallier les ames inquiètes, apaiser les consciences éperdues, et, dans nos essais de réorganisation sociale, il est venu proclamer encore une fois, et dès les premières années de ce siècle, le seul principe inébranlable sur lequel les sociétés humaines se soient jamais solidement assises. Que ce soit là son premier et son plus beau titre de gloire.
À ce mérite vraiment social l’école nouvelle en a adjoint encore d’autres, et, pour n’en citer qu’un seul, rappelez-vous, messieurs, tout ce qu’elle a fait depuis vingt ans pour l’histoire de la philosophie, et en même temps pour cette autre étude, si grave, si féconde et si neuve encore, la philosophie de