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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/403

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LES ÎLES SHETLAND.

demandaient beaucoup pour obtenir peu. Maintenant, s’ils demandent beaucoup, ils veulent avoir beaucoup : aussi la misère des paysans est-elle extrême. Autrefois les seigneurs et les paysans ne semblaient faire qu’une même famille, s’entr’aidant, vivant d’une façon patriarcale, et remplis, les uns envers les autres, de mutuels égards et de mutuelle affection. Quelques lairds résidens ont seuls gardé ces habitudes simples et généreuses, et, si la charité n’est pas leur vertu, ils n’ont pas du moins cette dure exigence qui pousse le pauvre au désespoir. Mais trop souvent les lairds qui voyagent reviennent dans leur petit pays, remplis de préjugés et de besoins qu’ils n’avaient pas en partant ; ils sentent leur importance, affichent des airs de supériorité qu’ils ne se seraient pas permis autrefois, et, comme leur exigence s’accroît en raison de leurs besoins, ils sont moins humains et moins aimés.

Les Shetland, ces îles solitaires et nues qu’enveloppent d’épais brouillards, que baignent des mers orageuses, ne peuvent avoir de charmes que pour ceux qui n’ont pas visité d’autres pays, de pays où croissent les arbres, où les fruits mûrissent, où le soleil luit des mois entiers dans l’année, au lieu de luire seulement quelques semaines dans la belle saison ; de pays où les jours calmes et sereins sont aussi communs que le sont, dans ces régions septentrionales, les jours de brumes et de tempêtes. Ces lairds qui ont voyagé abandonnent souvent leur pays. De là l’origine d’une des plus grandes plaies des îles du nord de l’Angleterre, des Orcades et du Shetland, l’absenteism, comme l’appellent les journaux shetlandais et écossais. En effet, en émigrant, ces lairds des îles afferment leurs domaines à des tiers, ou en abandonnent l’exploitation à leurs intendans (stewards) ; ces fermiers et ces intendans doivent tirer le meilleur parti possible des terres, et en expédier régulièrement les revenus à leurs maîtres, car la régularité des revenus devient nécessaire à l’homme qui vit à Édimbourg ou à Londres. Ces délégués, qui, les trois quarts du temps, sont des subalternes payés à tant pour cent sur les revenus, des paysans grossiers, ou des intrigans que les lairds, dans de précédens voyages, ont amenés avec eux du dehors, ne voient là qu’une affaire, et sont sans pitié. Ils exigent impérieusement de malheureux tenanciers des redevances, en argent ou en nature, que ceux-ci ne peuvent souvent payer ; ils les poursuivent avec une dureté que leurs maîtres n’auraient pas ; ils les réduisent au plus absolu dénuement, ne leur laissant ni un morceau de pain d’avoine pour se nourrir, eux et leurs familles, ni une toison de brebis pour se couvrir, ni tourbe pour se chauffer : on a vu de ces