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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/407

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LES ÎLES SHETLAND.

Magnus Troil, c’est le premier gentilhomme du pays qui raisonne ; mais Walter Scott, qui connaissait son Écosse, a été juste, quoique cependant il semble quelquefois faire pencher la balance en faveur de l’udaller et se faire l’avocat du préjugé. Cette ténacité de la routine en Écosse et dans les îles Shetland, est commune au paysan et au gentilhomme. Il ne faut pas s’en étonner, car il en est de même dans toutes les contrées qui se trouvent en dehors des principales lignes de communication, et qui ne sont pas sur le grand chemin des peuples. L’esprit humain y est plus lent à se débarrasser de ses entraves. Comme un myope, dans un pays où l’usage des lunettes est inconnu, il ne peut voir au-delà d’un certain horizon, et il ne se figure pas qu’il y ait rien par-delà cet horizon. Dans les îles Shetland, comme dans bien d’autres pays, le propriétaire ne diffère du paysan que parce qu’il habite une maison, et que le paysan habite une chaumière.

Saint Ninian ou saint Ringan est le patron des Shetlandais. Autrefois la principale église du pays portait son nom. Du temps de la réforme, ses apôtres, dans Mainland, prétendirent que le culte y avait dégénéré en idolâtrie, et que le peuple s’y livrait à de superstitieuses pratiques ; comme dans toutes les cathédrales de l’Écosse, celle de Glasgow exceptée, la hache et le marteau vinrent en aide aux réformateurs ; les images des saints furent brisées, le toit qui leur servait d’abri fut enlevé, et les murs de l’église, leur forteresse, furent démolis. Il ne reste plus de Saint-Ninian qu’une ruine informe ; mais quoique le nouveau culte ait prévalu, cette ruine est encore en grande vénération dans le pays. Si les pêcheurs, au milieu de la tempête, font un vœu, c’est à saint Ninian qu’ils l’adressent. Une fois à terre, ils l’accomplissent religieusement, et dans ce but ils se rendent à son église en cachette et en font le tour un certain nombre de fois. La réforme n’a pu non plus déraciner entièrement ces vieilles croyances populaires que ces hommes venus du Nord ont apportées avec eux. Les antiques légendes de la Scandinavie sont singulièrement du goût des Shetlandais. Les paysans croient encore aux femmes vertes, green women, à la fille aux mains rouges, the Llamb-dearg, aux voyans, aux sorciers, aux bons et mauvais génies. Ils ont aussi leurs traditions héroïques ou fabuleuses. Chaque pierre grise qui s’élève au milieu de la campagne, ou qui perce la mousse d’un marécage, est le tombeau d’un guerrier ; chaque caverne a été la demeure d’un ogre ou d’un magicien fameux ; chaque plage couverte de plantes marines, chaque falaise où pendent en guirlandes les scowries et le fenouil de