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DE LA CHEVALERIE.

duit. Mais de ce qu’elle se produit au sein de cette civilisation, il ne s’ensuit pas qu’elle en soit sortie ; le terrain sur lequel elle fleurit n’est pas le terrain où sa semence a germé.

Ceci nous conduit à examiner les influences de la civilisation romaine sur la chevalerie.

La civilisation romaine, à l’époque où elle fut importée dans les Gaules et dans le reste de l’Occident par la conquête, n’a pu préparer en rien la chevalerie : le génie romain était sans analogie avec le génie chevaleresque, était même dans une opposition éclatante avec lui ; ce n’est pas la générosité qui caractérisait les institutions et les instincts de Rome, elle n’usait pas de ce moyen dans ses rapports avec ses ennemis. Caton s’écriait chaque jour : « Il faut détruire Carthage. » Scipion affamait froidement Numance. Toujours désir implacable de la destruction de l’ennemi, jamais un mouvement généreux qui conseillât de l’épargner. Quant aux mœurs chevaleresques, il est simple qu’elles fussent étrangères à la vie romaine ; l’austérité de la Rome républicaine, la corruption de la Rome impériale, repoussaient également la courtoisie et la galanterie. De plus, il était impossible que la politique de Rome, si jalouse de l’autorité de l’état, souffrît au sein de l’état et au-dessus de lui, une autre société indépendante, ayant son principe, ses règles, son existence à part. À Rome, il n’y avait rien et il ne pouvait rien y avoir de semblable à la chevalerie.

Le génie romain n’a donc eu directement aucune action sur elle, et n’a pu la préparer en aucune manière. Mais la civilisation latine a agi indirectement sur le développement chevaleresque, en aidant la renaissance de cette culture méridionale, à l’ombre de laquelle la chevalerie devait s’épanouir. La chevalerie ne serait jamais sortie des ruines mortes de la civilisation romaine, elle a son origine dans des sources plus vivantes, dans les sources germaniques ; mais pour fleurir, elle avait besoin d’être abritée par ces ruines, ce n’est que là qu’elle pouvait atteindre à toutes ses délicatesses et à toutes ses nuances ; il fallait qu’elle trouvât, déjà disposées à quelque adoucissement, les mœurs qu’elle devait achever de polir, et c’est précisément ce qu’elle rencontra dans le midi de la France, dans le pays où s’était le mieux conservée et où renaissait le plus hâtivement la civilisation antique. Ainsi, cette civilisation ne fut pas le principe, mais l’auxiliaire du développement chevaleresque ; elle ne fut pas le sol, elle fut le toit.

Quant aux influences des Arabes sur le moyen-âge, je crois qu’elles ont été souvent exagérées en ce qui concerne la scholastique, l’ar-