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HISTOIRE DE LA MARINE FRANÇAISE.

nomie à part dans la marine. Ces notions sur un instrument de guerre et de navigation qui se distinguait de tous les autres par des différences si tranchées, sont précieuses aujourd’hui surtout qu’il est plus que jamais aboli et remplacé, pour le bien du service autant que pour celui de l’humanité, par les bâtimens à vapeur. Un mémoire ex professo, inséré dans un des volumes suivans, vient compléter les explications sommaires de M. Eugène Sue et forme une monographie complète.

Le voyage de Madame en Angleterre, son retour et sa mort, n’ayant qu’un rapport fort indirect avec l’histoire de la marine, sont au nombre des circonstances sur lesquelles l’auteur aurait pu passer, ou du moins s’étendre beaucoup moins qu’il ne l’a fait. Mais nous avons vu qu’il se prenait d’un amour aveugle pour tous les matériaux de son travail. Il ne peut glisser sur rien. Il s’attache à tout ce qu’il a saisi et ne lâche prise que lorsque la matière vient à lui manquer. Aussi son histoire serpente-t-elle en de nombreux détours. Au lieu de rester patiemment à bord de ses vaisseaux ou du moins dans les ports et à vue de ses pavillons, il vient souvent à Versailles, et souvent sans congé, sous prétexte de voir ce qui s’y prépare pour la marine ; et s’il trouve Versailles occupé d’autre chose, il suit le flot, et oublie volontiers qu’il s’écarte de son but, et qu’il aura de la peine à en retrouver le chemin. Si ces excursions hors du domaine de son sujet lui valent de temps en temps quelques bonnes fortunes, elles l’engagent parfois dans des écueils où l’on a regret de le voir se jeter à plaisir. Ainsi, en suivant Madame depuis son départ pour l’Angleterre, et même depuis son arrivée en France jusqu’à la pompe suprême et au caveau funèbre, il en vient à se trouver face à face avec Bossuet, qu’il traite avec une irrévérence qui n’ajoute rien à la force de ses raisons, et qui est le ton de l’injure plutôt que celui de la vérité. L’auteur des Oraisons funèbres a dit fort innocemment dans celle de Madame que, dans son voyage en Angleterre, « elle allait s’acquérir deux puissans royaumes par des moyens agréables. » M. Eugène Sue, qui a appris par la lettre de Colbert de Croissy que les pompes de ce voyage couvraient une intrigue d’amour, et qui sait que Madame laissa, en Angleterre, une de ses filles d’honneur, Mlle de Kéroualle, dans les bras du roi son frère, considérant les termes de Bossuet comme une allusion, sans doute involontaire, ajoute-t-il, à ces épisodes scandaleux, y voit un euphémisme qui, par le fait, souille à la fois et la sainteté de la chaire et le caractère du grand orateur chrétien. Mais si cette allusion était involontaire, pourquoi en faire scandale ? Pourquoi en faire le texte d’une accusation outrageuse en elle-même, et plus outrageuse encore dans les termes ? Pourquoi, puisque l’on en sait plus long que Bossuet, ne pas le laisser jouir en paix du bénéfice d’une ignorance qui, au surplus, n’a rien que d’honorable dans sa position ? Il répugne de croire que cet homme, ne fût-il qu’un courtisan, s’il eût pu penser que ses paroles prêteraient à de semblables interprétations, eût osé féliciter en pleine cour la femme de Monsieur, la belle-sœur du roi, sur l’art avec lequel elle aurait rempli un office qu’il n’est pas permis de qualifier, et que la langue de Rabelais