Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/498

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
494
REVUE DES DEUX MONDES.

nier chiffre, le plus élevé de tous, est celui de la duchesse de Portsmouth, cette même Louise de Kéroualle dont nous avons déjà parlé, et que le roi Charles avait prise à Madame pour en faire sa maîtresse. La même duchesse y figure encore pour une autre paire de pendans de diamans de 48,000 livres. Puis vient le duc de Monmouth, fils naturel de Charles, pour une épée de 38,890 livres ; puis la duchesse d’York, belle-sœur du même roi Charles, pour une boîte à portrait de 33,000 livres ; puis Buckingham, ministre et favori, également pour une boîte de 28,000 livres ; puis enfin, et à diverses reprises, le comte de Sunderland, ambassadeur d’Angleterre, ou sa femme, ou d’autres agens diplomatiques, pour des valeurs de 10 à 20,000 livres, et ainsi en descendant toujours jusqu’à la limite que nous avons indiquée. On voit que la duchesse de Portsmouth, à en juger par l’importance des cadeaux qui lui ont été faits, est comptée à elle seule pour près d’un cinquième de la valeur totale et de l’influence que représentaient dans les hautes régions politiques les noms auxquels le sien est associé dans ce tableau. Aussi, lorsque les susceptibilités du patriotisme éminemment chatouilleux et désintéressé de l’opposition, venant à bout de se communiquer à toute l’assemblée et de lui faire rejeter les demandes de subsides que lui adressait Charles II, remettaient ce malheureux roi à la merci de Louis XIV, sa belle maîtresse lui chantait cette chanson qu’elle avait composée elle-même en anglais

Vous avez Louis, vous avez Louise,
Beauté de France, or de France, vins de France ;
Buvez, faites l’amour, dépensez votre or,
Et moquez-vous de ces babillards.


Et le bon Charles II suivait la chanson, et le pays décernait sans doute des couronnes civiques à l’opposition pour l’indépendance, la vigueur et la dignité qu’elle apportait dans la défense de ses intérêts.

Dans les intervalles de repos que la paix amenait entre les guerres qui agitèrent le règne de Louis XIV, nos flottes ne restaient pas entièrement oisives. On les employait à des expéditions contre les Barbaresques ; expéditions productives et qui comblaient en partie les vides qu’avaient pu faire dans le trésor celles qui les avaient précédées. Amenées par l’ordre chronologique, quelques-unes de ces expéditions remplissent, avec le bombardement de Gênes, dans l’ouvrage de M. Eugène Sue, l’espace compris entre la paix de Nimègue et la guerre qui suivit la révolution anglaise de 1688. Elles furent signalées surtout par une invention nouvelle, celle des galiotes à bombes, dont le premier essai fut appliqué par l’inventeur lui-même, Renau d’Éliçagaray, au bombardement d’Alger. Pendant que j’en suis à cette partie de l’Histoire de la Marine sous Louis XIV, je ne dois pas oublier un mémoire contenant l’énumération des prises faites par Jean Bart, d’abord à cause de l’intérêt biographique de ce mémoire en lui-même, et puis parce qu’il a fourni à M. Eugène Sue l’occasion de reproduire un Traité sur les Prises,