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REVUE. — CHRONIQUE.

entendu sur le budget avec M. Passy et la majorité de la commission, qui représente en cette circonstance le centre gauche. Mais nous ne croyons pas plus à la défaite qu’à la victoire, et nous attachons moins d’importance à la nomination de M. Passy et à la non-élection de M. Duchâtel, qu’on n’a voulu leur en donner.

Le budget a déjà donné lieu à de sérieuses discussions. Ces discussions ne paraissent devoir porter ni sur le budget de l’intérieur, qui offre une économie, toute compensation faite, ni sur le ministère des affaires étrangères, qui ne demande que deux crédits, l’un de 500,000 francs, pour la reconstruction du palais de l’ambassade de France à Constantinople, détruit en 1831 par l’incendie, et l’autre, de 105,000 fr., pour l’entretien des maisons consulaires de France en Barbarie et dans le Levant, pour les frais de service des consulats, et quelques dépenses, telles que celles que nécessite le renchérissement des vivres aux États-Unis. On doit toutefois s’attendre à quelques-unes des déclamations annuelles qui ont toujours lieu à propos de ce budget, et auxquelles on répondra sans doute quelque jour par le budget des envoyés et des ambassadeurs. On verra alors qu’il n’est peut-être qu’un seul poste diplomatique où le traitement alloué par l’état soit suffisant, et que toutes les autres missions, sans en excepter d’autres que celle-là, ne peuvent être remplies avec dignité sans des sacrifices personnels. Ce tableau répondrait péremptoirement aux discussions qui se font d’habitude sur la prétendue énormité de quelques traitemens diplomatiques, qu’on ne pourrait diminuer sans obliger les titulaires à vivre plus mesquinement que les envoyés des petites puissances, et sans fermer définitivement la carrière diplomatique aux hommes qui, hors leur talent et leur mérite, ne possèdent pas une grande fortune ; ce qui est le cas d’un grand nombre de diplomates distingués.

Une diminution de 500,000 francs sera demandée par le ministère sur les fonds secrets.

La grande discussion aura lieu au sujet du ministère de la guerre, et l’opinion bien connue de M. Passy sur Alger aura peine, sans doute, à s’accommoder d’une demande de 8,902,074 francs que nécessite notre situation actuelle à Alger. Le ministère se propose aussi de demander une augmentation de l’armée. La situation de l’Europe, qui se complique, sans toutefois devenir alarmante, nécessite cette demande, pénible sans doute, mais qu’on ne pourra accorder à un ministère plus jaloux de maintenir la paix et de ne pas engager la France dans des entreprises hasardées.

Il nous semble bien difficile d’accorder cette demande d’augmentation de l’armée avec l’adoption immédiate de la proposition de M. Gouin. L’une entraîne le refus de l’autre ; car accorder l’augmentation, c’est reconnaître qu’il y a quelques chances de perturbation, assez marquées pour se tenir prêts à tout évènement ; et adopter la mesure, c’est déclarer que la France et l’Europe sont dans un état de calme que rien ne viendra troubler pendant quelques années. Voyons donc si la chambre a lieu de s’abandonner à une sécurité si grande.